Par Grégory Bekhtary
Il y a deux mois, un célèbre rugbyman argentin installé en France depuis longtemps a été assassiné en pleine rue par une figure bien connue de l’extrême droite. La réaction du gouvernement a été quasi inexistante. Ce week-end, une nouvelle personne a été tuée par une autre figure bien connue de cette mouvance, sans réaction non plus de la part de l’exécutif. Aux Etats-Unis, un jeune suprématiste blanc a mené une attaque terroriste dans un supermarché de la ville de Buffalo, et 10 personnes noires ont perdu la vie. Ce jeune fanatique avait écrit un manifeste qui reprenait toute une mythologie raciste et en particulier, la notion de « grand remplacement », que les militant·es néonazis américains utilisent depuis la manifestation de Charlottesville en 2017. Selon l’historien de l’extrême droite Nicolas Lebourg, cette expression élaborée par l’écrivain néofasciste Renaud Camus a commencé à circuler internationalement à partir d’un tweet du maire d’extrême droite Robert Ménard retweeté par la chaîne russe RT. On sait donc qu’il y a de fort liens idéologiques entre les différentes mouvances d’extrême droite à l’échelle internationale et que les propagandistes français sont une source d’inspiration significative. On sait également que les groupuscules racistes, identitaires et violents en France sont des menaces réelles et directes. Nous en avons la preuve malheureuse avec les récents actes meurtriers, mais les autorités continuent à faire comme si le danger était secondaire et à faire preuve de la plus grande discrétion à ce sujet quand il s’agirait de condamner avec la plus grande fermeté. Pas de réaction digne de ce nom non plus quand tout récemment la mosquée de Metz est victime de jet de cocktail molotov.
En revanche, le pouvoir exécutif a la main lourde quand il s’agit de faire dissoudre des associations de défense de la cause palestinienne ou un groupe antifasciste à Lyon. Si lourde que même le Conseil d’État se retrouve à suspendre ses arrêtés de dissolution pris au nom de la loi séparatisme car les fondements sur lesquels ils sont pris ne sont pas valides. Le gouvernement continue à reprendre, diffuser et populariser des éléments de langage issus de l’extrême droite, comme l’islamogauchisme, pour mieux fracturer et affaiblir la gauche, car son objectif est bien davantage d’assurer que l’extrême droite reste au centre du jeu politique comme son principal adversaire politique assuré de perdre face à lui que de mener une lutte efficace contre les idées et les effets dramatiques de l’extrême droite.
C’est comme cela que l’on peut lire la nouvelle polémique sur le burkini, suite à la décision du conseil municipal de Grenoble d’autoriser le port du burkini dans ses piscines municipales. Pris dans une course à l’échalote avec Laurent Wauquiez qui, en sa qualité de président du conseil régional, a annoncé qu’il coupait toute subvention à la ville de Grenoble, le préfet de l’Isère, sous les ordres de Gérald Darmanin, a annoncé avant même que le résultat du vote soit connu qu’il ferait appel de cette décision au nom de la loi séparatisme. Qu’est ce que le burkini ? C’est un maillot qui couvre la totalité du corps des femmes qui le portent, à l’exception de leur visage. Qui l’a inventé ? C’est une créatrice de vêtements australienne d’origine libanaise qui, au milieu des années 2010, a lancé la commercialisation de tenues permettant à des femmes musulmanes portant le foulard de participer à des activités de plein air avec des vêtements qui répondent aux codes de pudeur liés à leur conception de la foi musulmane. Ces vêtements sont en effet des marqueurs qui hiérarchisent les genres. Mais ils n’ont rien à voir avec le militantisme politique islamiste (tous les islamistes sont fermement opposés à la participation des femmes à des activités de plein air, quoi qu’elles portent) et encore moins avec le terrorisme djihadiste. Cette façon d’écraser et d’amalgamer des réalités bien distinctes se nourrit d’un climat anxiogène lié à des faits tragiques réels en France et à l’échelle globale, comme les attentats djihadistes meurtriers répétés ou encore l’imposition de la burka en Afghanistan, qui facilite la réception positive de récits et d’explications conspirationnistes, selon lesquelles par exemple les femmes qui portent le burkini seraient des militantes islamistes qui veulent imposer la charia dans les piscines et bientôt ailleurs dans l’espace public. Le fait que le nouveau règlement à Grenoble autorise aussi les femmes à ne pas porter de haut devrait pourtant nous rappeler que le point d’équilibre entre le respect de la liberté de conscience et la non discrimination d’un côté et la défense de l’égalité des droits pour les femmes de l’autre, c’est le fait de refuser qu’on impose mais aussi qu’on interdise une tenue aux femmes.
C’est pourquoi la FSU doit continuer à défendre une conception de la question sociale auprès des salarié·es de nos secteurs qui intègre la lutte contre les discriminations et en particulier contre l’islamophobie pour combattre efficacement l’extrême droite et les néolibéraux qui reprennent ses thèmes.