Clément Lefèvre (secrétaire national) : pourquoi une adresse de l’ÉÉ à la CAN ?
Nous avons tenu à rédiger un texte un peu solennel pour cette CAN, une sorte de motion dont nous ne pensons pas qu’elle ait à être soumise au vote car elle ne propose pas de mandats pour les semaines à venir et tient plus lieu d’une analyse de la situation récente dans laquelle nous placent les propositions de réforme du gouvernement. Il part d’un constat : le mandatement du dernier BN pour le décret qui sera soumis au CTM (cadrant la nouvelle carrière et l’évaluation des personnels enseignants) et essaie de revenir sur les grands vecteurs qui ont mené la politique d’un gouvernement qui se prétend de gauche et les stratégies développées par notre syndicat face à ceux-ci. Ce texte n’a pas pour but de désigner de prétendus « traîtres » montrés du doigt par une prétendue « avant-garde éclairée », il veut juste souligner les divergences que nous avons pu avoir sur plusieurs dossiers récents : décrets métier, Socle Commun, PPCR & Évaluation… Sur ce dernier dossier qui a déclenché cette « Adresse », nous sommes certains que personne n’a démérité, toute et tous les militants à tous les niveaux du syndicat ont « mouillés le maillot », que ce soit pour mettre en garde les personnels sur les dangers de ce projet ou pour obtenir des avancées du ministère. Ainsi nous pensons qu’il est possible de rassembler le syndicat autour de convergences d’analyse sur la nature des politiques menées récemment et sur des erreurs stratégiques possibles qu’il serait souhaitable de ne pas reproduire.
Ainsi ce texte revient sur les avancées et les reculs causés par le dossier évaluation, nous pourrons y revenir dans le débat, mais surtout il établit clairement un lien avec les « décrets métiers », négociés avec Vincent Peillon dans lesquels la reconnaissance du travail en dehors de la classe se mue dans beaucoup d’établissements en nouvelles injonctions, en « réunionite » qui auront désormais vocation à être évalués.
Sur le socle commun un autre écueil nous guette plus ambitieux que son prédécesseur et appuyé sur les programmes, le socle Peillon, serait beaucoup plus inoffensif que le socle Fillon. Pourtant les difficultés rencontrées par les collègues montrent qu’il renvoie à la même logique, que c’est l’évaluation des compétences qui va induire in fine la définition des contenus d’enseignement. L’architecture du LSU montre bien que le principe même d’un socle, c’est d’être évalué.
Les réformes récentes portent toutes une potentialité très forte de mise au pas des pratiques pédagogiques et pourtant la seule que nous avons réellement combattue parmi elle, c’est la réforme du collège. Elles veulent individualiser les parcours de formation et formater les individus, elles veulent individualiser les carrières et formater les pratiques pédagogiques, elles doivent être dénoncées.
Ainsi, nous ne pouvons pas filer la métaphore agricole en période de disette et de famine, il nous faut retourner vers les collègues avec pour étendard nos mandats qui sont ambitieux et à même de recueillir leur assentiment. Si nous ne le faisons pas, nous laissons penser que nous nous trouvons dans un entre-deux un peu bizarre : incapables de porter nos mandats, coincés au coup par coup entre les syndicats d’accompagnement qui n’ont pour perspectives que la négociation en marge de reculs sociaux et un syndicalisme contestataire à la FO sans aucune proposition. Aussi notre premier travail de terrain reste d’être capable de défendre pied à pied les collègues d’un côté, et de convaincre que la transformation émancipatrice de l’école et de la société sont possibles.