Les événements survenus à Sivens doivent nous interpeler à différents niveaux.
Il y a déjà le terrible drame humain, la mort de Rémi Fraisse, 21 ans, botaniste, bénévole à France Nature Environnement, qui assurait le suivi d’une renoncule appartenant à une espèce menacée et militait pour la sauvegarde de la biodiversité…
Dans leur grande majorité, les opposant-es au projet du barrage du Testet, ou à l’aéroport de Notre Dame des Landes, ne sont pas des black block, loin de là. Ils/elles ont choisi d’occuper ces ZAD « zones à défendre », et ils/elles y mettent en œuvre des modes de vie et de culture alternatifs : expériences de propriété collective, d’autogestion, de permaculture (pour cultiver le sol tout en le rendant indéfiniment fertile), d’autonomie paysanne… qui s’accompagnent d’une critique du matérialisme dominant et de l’individualisme.
Ils et elles s’opposent à des grands projets inutiles, destructeurs d’écosystèmes et à l’opposé de la nécessaire transition écologique. Leurs mobilisations, comme celle autour de la ferme des mille vaches, sont une remise en cause du modèle productiviste. En tant qu’organisation syndicale, notre responsabilité est aussi de continuer à mener ce débat de fond.
Ces grands projets ne sont pas seulement inutiles et nuisibles, ils sont imposés. Des projets contestables, mais une contestation étouffée : absence de débats, alternatives non explorées, décisions dans l’intérêt de lobbies économiques et agricoles, collusion avec des élu-es qui ne sont plus les garants de l’intérêt général, abus de pouvoir, déni de démocratie.
Pour museler toute opposition, on met en œuvre la répression : au mois d’août, on interdit des manifestations Palestine ; le 28 octobre, le procès d’Amiens s’est soldé clairement par la condamnation de l’action syndicale contre la ferme des mille vaches ; dimanche 2 novembre, il y eut même 40 arrestations « préventives » à Paris !! Mais toutes les mobilisations ne reçoivent pas les mêmes réponses : quelle condamnation, ou même quelles poursuites pour ceux qui démontent les portiques de l’écotaxe, qui déversent du fumier à la préfecture d’Albi, ou à Toulouse aujourd’hui, ou qui incendient le centre des impôts de Morlaix ? Deux poids, deux mesures, c’est encore un signe de cette violence d’état.
Nous devons dénoncer cette criminalisation, les poursuites de militantes et militants, et condamner très fermement la répression ; nous sommes bien face à un pouvoir autoritaire, qui n’hésite pas à s’appuyer sur l’usage de la force.
Au Testet, il va même orchestrer toute une montée de violence, avec un déploiement impressionnant de forces de l’ordre, qui vont s’employer à faire monter la pression, à coups de provocations, tirs de lacrymos, de flashballs, vous savez ces armes « sub-létales » qui ont déjà rendu borgnes une quinzaine de personnes depuis 10 ans ! Les occupant-es de la ZAD ont subi un véritable harcèlement pendant plusieurs semaines. Il y eut même des gardes mobiles hébergés à l’internat du lycée agricole, en même temps que les élèves, et qui venaient armés au réfectoire ! Selon une source proche de l’enquête, des consignes d’« extrême fermeté » ont été données par le préfet du Tarn. Ce qui explique que quelques 400 grenades auraient été utilisées dans la nuit du 25 octobre. Et le 26, c’est par un explosif militaire de type « grenade offensive » que Rémi a été tué.
Mais le gouvernement est allé encore plus loin dans la faute morale : il est resté muet 48h après ce décès. Avant de connaître les résultats de l’enquête, Valls a déclaré qu’il n’accepterait pas les mises en cause et les accusations, et ce sans un seul mot pour Rémi ou sa famille. Mais quand est mort le président de Total, grand défenseur de l’environnement et de l’intérêt général (!), ce même gouvernement lui a rendu longuement hommage, la larme à l’œil…