Bulletin n°129 du GD 76-27 Mars 2021 (Académie de Normandie)

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  • [* Édito : Occupons, partout où nous voulons*]
  • [* Formation et recrutement des enseignant.e.s : l’acharnement continue ! *]
  • [* Climat et justice sociale : le plus gros défi syndical *]
  • [* Le 8 mars : un récit de l’histoire de la journée internationale des droits des femmes *]

Édito : Occupons, partout où nous voulons

« Occupons, occupons, ailleurs qu’à l’Odéon ! Occupez, occupez, partout où vous voulez ! » Le slogan joyeux et combatif des artistes et intermittents, qui luttent depuis plusieurs semaines, apporte un peu de lumière et d’espoir en ce début de printemps. 71 lieux culturels occupés au 21 mars dans tout le pays, des manifestations festives et revendicatives, un mouvement qui fait tache d’huile et recoupe d’autres luttes en cours.

Au moment où le gouvernement Macron reconfine un tiers de la population et poursuit la grande gabegie culturelle, après avoir laissé la situation sanitaire se détériorer. Au moment où il tente d’imposer un agenda sécuritaire et islamophobe avec les lois « Sécurité Globale » et « Séparatisme ». Au moment où il relance une politique antisociale d’une rare violence avec une réforme de l’assurance chômage qui va précariser et plonger dans la pauvreté toujours plus de chômeuses et chômeurs, en réduisant drastiquement les allocations, cette lutte est prometteuse à plus d’un titre. Elle rejoint et s’empare de la question féministe, comme l’a montré la belle action de Corinne Masiero aux Césars. Elle invite à penser, à l’image des luttes climatiques de la jeunesse, un temps débarrassé de l’obsession de la rentabilité et pose la question de ce qui est essentiel à nos vies et à leur possibilité.

Surtout les artistes et intermittents, en liant dans leurs revendications le retrait de l’assurance chômage et l’ouverture des lieux culturels, refusent de s’enfermer dans une lutte sectorielle. En combinant intérêt général, revendications immédiates et combativité déterminée, ils ouvrent une brèche dans l’ordre établi. Le soutien apporté à cette lutte sera essentiel car son résultat pourrait en inspirer d’autres. Au moment où le gouvernement massacre la formation des enseignants, menace leur statut avec le Grenelle et ferme les postes par centaines dans le second degré, c’est l’essence du syndicalisme et la responsabilité de chacun.e de tout faire pour que l’espoir et l’action viennent balayer la lassitude, la résignation et la peur occasionnées par la pandémie. Lors de la journée du 6 avril pour la fonction publique et après, avec les autres secteurs mobilisés, dans l’éducation aussi, faisons éclore un printemps de luttes.  

Antoine VIGOT, Collège Rousseau, Darnétal.

Formation et recrutement des enseignant.e.s : l’acharnement continue !

 Depuis la réforme Darcos de la mastérisation des métiers de l’enseignement en 2009, le secteur de la formation des enseignant.e.s est en perpétuel chantier, que ce soit du point de vue des structures (IUFM devenu ESPE puis INSPE avec un caractère plus ou moins universitaire) mais aussi et surtout des concours et des contenus des formations.

Une nouvelle réforme est donc programmée pour septembre 2021, avec une reprise en main très nette de l’Éducation Nationale sur les concours et les formations. L’objectif est simple : parachever le projet initial de Darcos en diminuant la part disciplinaire de la formation et en mettant l’accent sur la « loyauté » et le respect des « valeurs de la République » des futurs enseignant.e.s dans le cadre d’une nouvelle épreuve orale. Dans le contexte actuel d’hystérie contre le communautarisme, l’islamo-gauchisme et les études de genre, on imagine bien l’objectivité dont fera preuve le jury placé sous l’autorité des corps d’inspection.

Dans le même temps, le concours sera décalé d’un an (pendant le M2) ; les étudiants qui seront en stage de formation en cours de M2 seront contractuels et payés moins de la moitié de ce qu’ils perçoivent actuellement en tant que fonctionnaires stagiaires. Ces nouvelles conditions imposées pour devenir enseignant titulaire risquant de dissuader nombre d’étudiant.e.s, la voie contractuelle sera inévitablement renforcée, dans le 1er comme le 2nd degré, permettant à la hiérarchie de disposer de personnels corvéables à merci.

Depuis quelques semaines, une certaine exaspération s’exprime dans les INSPE et un début de coordination est en train de se créer parmi les personnels mobilisés. La FSU doit soutenir sans réserve ce début de mobilisation afin de faire reculer le gouvernement sur son projet destructeur.

À lire, le témoignage d’une enseignante contractuelle :

Pierre-Emmanuel BERCHE, Université de Rouen.

Climat et justice sociale : le plus gros défi syndical

Les marches des années 2010 ont vu naître un mouvement de jeunes, les grèves scolaires et étudiantes pour le climat, sur le modèle de celle lancée en août 2018 par la militante suédoise Greta Thunberg. Cet engagement s’est développé hors du terreau syndical. Les OS ont-elles leur rôle à jouer dans cette construc-tion ? C’est le pari de celles qui ont collaboré au plan de sortie de crise : “plus jamais ça”. En effet, participer à une politique ambitieuse contre le réchauffement climatique, c’est prendre les problématiques dans toute leur complexité, comprendre qu’œuvrer pour le climat n’a de sens qu’en agissant pour la justice sociale. C’est en partie le domaine d’expertise des syndicats qui font du renforcement des droits des travailleurs, des luttes contre les inégalités, de la sécurité sanitaire, des piliers de leur combat.

Mais aujourd’hui, où en est notre engagement par rapport aux 34 propositions pour une sortie de crise? Nous sommes toujours dans le marasme sanitaire dans lequel elles ont pris naissance, et encore loin d’une grève d’ampleur pour les causes environnementales et climatiques. Les OS se confrontent à la difficulté de construire «le jour d’après» à l’échelle locale. A ce titre, la mobilisation de septembre contre la fermeture de la papeterie de la Chapelle Darblay, lancée par la CGT et à laquelle s’est jointe la FSU, n’est pas entièrement satisfaisante. Si elle a été médiatisée, elle n’a pas mobilisé dans la durée ni les travailleurs, ni les associations dans l’agglomération rouennaise. En partie en cause sans doute, l’inégalité des implications syndicales dans les diverses structures citoyennes locales, comme la Coalition Climat à Rouen. Comment œuvrer au sein de l’intersyndicale pour faire réellement des enjeux climatiques et environnementaux des priorités?

Au lendemain de la grève scolaire du 19 mars, la SD 76, au sein de la Coalition Climat, se prépare sur le terrain, à la marche nationale du 28 mars pour une vraie politique climatique, et pour dénoncer la direction prise par la loi « Résilience et climat ». Dans cette logique, elle invite tous ses syndicats et leurs militant.e.s à s’approprier collectivement et individuellement les propositions du «jour d’après» et les passer sous le crible de leur expertise. Nous sommes bien placés pour trouver les mobilisations les plus à même de promouvoir « une fiscalité plus juste et redistributive », « une réorientation et relocalisation solidaire de l’agriculture, de l’industrie et des services », et un « développement de tous les services publics ». Cette réflexion collective devra être au cœur du prochain congrès et permettre d’établir une feuille de route résolument climatique et sociale.

Aurélie MOUCHET, Collège Eugène Noel de Montville.

[(MARCHE NATIONALE POUR UNE VRAIE POLITIQUE CLIMATIQUE
Dimanche 28 mars 2021, 11h, Place de la Calende, Rouen)]

Le 8 mars : un récit de l’histoire de la journée internationale des droits des femmes

Appelée par l’Organisation des Nations Unies depuis 1977, la journée du 8 mars a des origines historiques qui semblent encore faire débat1. Un consensus permet toutefois de situer l’émergence de ces luttes collectives des femmes au milieu du 19ème siècle.

Le premier appel explicite à la journée internationale pour les droits des femmes est issu d’une résolution du congrès de Copenhague en 1910 de l’internationale des femmes socialistes. Il paraît le 13 mars dans Die Gleichheit (L’égalité), revue fondée en 1857 par Clara Zetkin. A partir de 1911, des mobilisations massives de femmes sont appelées en Europe et en Amérique sur des revendications de droits citoyens et d’égalité au travail, mais pas seulement.

En effet, les motions votées aux congrès de l’internationale des femmes socialistes portent sur la paix, le suffrage des femmes, la prévoyance sociale et le droit du travail des femmes et des enfants – en 1910, la motion interdit le travail des enfants de moins de 14 ans ; dans le domaine communal, sur le soin aux accouchées, nourrices et nourrissons et dans le domaine de l’Etat, sur l’assurance maladie dont le congé maternité mais aussi la structuration des soins et de l’école et des loisirs pour les enfants et l’instruction pour les femmes.

Ces luttes des femmes pour leurs droits font face à de nombreux obstacles; en 1889, Clara Zetkin déclarait2 « Les socialistes doivent savoir qu’en l’état actuel du développement économique le travail féminin est une nécessité ; que le travail féminin devrait aboutir normalement, soit à une réduction du temps de travail que chaque individu doit à la collectivité, soit à un accroissement des richesses de la société ; que ce n’est pas le travail féminin en soi qui, par le jeu de la concurrence, fait baisser les salaires, mais l’exploitation de ce travail par les capitalistes. »

Encore aujourd’hui, la féminisation de secteurs professionnels conduit à la baisse des salaires moyens. Les luttes féministes ont cela de spécifique qu’elles dénoncent une position dominante systémique des hommes et l’intégration culturelle chez les femmes d’une position de dominées. On retrouve ces obstacles, comme l’explicite Clara Zetkin, dans la lutte contre la concurrence mortifère entre les minorités subissant toute forme de discrimination dans un système marqué par le patriarcat et notre histoire coloniale.

1 Voir le récit du mythe des ouvrières new-yorkaises par Françoise Picq, chercheuse au CNRS
2 « Luttes pour l’émancipation des femmes », Discours à la première conférence de l’Internationale ouvrière, 1889

Raphaëlle KRUMMEICH, Université de Rouen.

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