Assises de l’éducation prioritaire : simulacre de consultation

Les assises de l’éducation prioritaire ont été organisées
dans l’ensemble des établissements qui relèvent de cette politique.
Elles ont convoqué l’ensemble
des équipes éducatives
des premier et second degrés
dans un ensemble de réunions, intéressantes sur le fond, mascarade sur la forme.
Voici le sentiment qui ressort
d’une demi-journée telle
que nous l’avons vécue
dans un établissement RRS
de la banlieue de Rouen.

Les « grandes messes » de l’éducation nationale sont souvent mal vécues par les enseignant-es. Certaines animations pédagogiques auprès des professeur-es des écoles ou certains aspects des demi-journées de prérentrée, de rédaction du projet d’établissement, chez les professeur-es du second degré sont souvent le lieu où redescendent les injonctions institutionnelles et les déréglementations du service public.

Cette fois, hormis la lecture préalable du rapport introductif, les ateliers mélangeant tous les personnels nous ont permis d’exprimer nos attentes. Comme l’affirme un professeur de sciences physiques : « Les échanges étaient intéressants, les présents ont pu échanger sur leur ressenti de terrain. Il ressort globalement que les exigences ne trouvent pas les moyens de se concrétiser ». Les exigences pointées ici sont celles de la réussite scolaire de tous les élèves ; les moyens demandés lors de ces ateliers ont été nombreux en termes d’effectifs par classe notamment : « Au début des ZEP il était question d’effectifs à 21 élèves maximum aujourd’hui ce n’est plus d’actualité » affirme également ce collègue. Le manque de personnels de Vie scolaire et médico-sociaux a également été souligné, par les AED notamment. Un des AED présent affirme : « maintenant que c’est l’austérité, ce type de réunion est utile mais on n’a plus les budgets, le chat se mord la queue ». Une de ses collègues précise : « Il ne sera pas prévu de moyens pour l’aide directe à l’élève sous toutes ses formes ». Selon elle « l’existence d’une Vie scolaire dans le premier degré » serait une réelle avancée. Ce point est peu visible lorsque premier et second degrés ne se rencontrent jamais.

Une oreille gouvernementale distraite, voire sourde

Nos préoccupations ont été clairement exprimées dans les rapports remis par chaque groupe, même si « l’organisation elle-même montrait les limites de l’exercice. Résoudre en 15-20 minutes les vastes questions posées étaient une gageure. Cela nous met la puce à l’oreille sur l’écoute distraite dont bénéficieront nos avis donnés », comme l’affirme un professeur de langue.

En introduction des débats, l’IEN avait bien précisé que ces assises ont été lancées dans le cadre de la Modernisation de l’Action Publique (MAP), directe héritière de la RGPP de Nicolas Sarkozy. Il fut donc fort surpris que nous n’ayons pas respecté le cadre de travail du « faire mieux avec moins ». Il a par conséquent mis de côté les revendications portant sur les effectifs et les recrutements. Ce premier intermédiaire, déjà peu bienveillant vis-à-vis du travail fourni, montre bien ce que soulignent deux professeures de lettres : « les intermédiaires seront tellement nombreux (délégation du réseau, assises interacadémiques) que le résultat sera réduit et cela n’aboutira pas forcément à ce que nous voudrions » ; « On n’a aucune garantie sur la prise en compte de nos avis ». La CPE de l’établissement ajoute : « Une commande institutionnelle appelle de nous deux réactions : s’en emparer naïvement ou s’en méfier (ils feront ce qu’ils voudront de notre travail et on servira d’alibi). Je penche pour la seconde réaction ».

Un bilan bien négatif,
qui nécessite une mobilisation

Une professeure de langue juge le travail « Intéressant pour nous si on laisse de côté la finalité (la synthèse qui déformera nos travaux) ». Ainsi, notre frustration montre qu’il aurait été judicieux de nous proposer de se mobiliser pendant ces assises . Cela a été fait par endroits à travers le boycott et leur transformation en AG, ou encore par le sabotage de celles-ci en ne respectant pas les consignes. Mais au niveau national les directions de nos syndicats n’ont pas impulsé d’actions. Croient-elles qu’il en ressortira quelque chose ? Elles apparaissent à la lumière de ces témoignages comme bien plus naïves que nous. Il nous reste l’espoir que lorsque les déréglementations suivront, nous saurons nous mobiliser. ●

Clément Lefevre (76)