Denis Thomas : reconduction, convergence…

Après plus de 45 jours de résistance à la réforme des retraites par points, ponctués de grèves parfois reconductibles, de mobilisations, d’initiatives, alors que de nouvelles dates d’actions sont posées, il me semble important de faire un point d’étape évidemment partiel, certainement partial sur les forces mais aussi sur les faiblesses ou les manques de ce mouvement inédit , d’autres l’ont dit.

La question du démarrage sur les chapeaux de roues dès le 5 décembre alors qu’on savait devoir s’inscrire dans la durée doit être rapprochée de la question de la grève reconductible qui a dès le 5 été d’actualité. En effet, c’est ce mode d’action que les cheminot.es, traminaux ont mis en œuvre et je veux saluer ici leur détermination sans faille, leur courage.

Très vite la question d’accompagner, au-delà du soutien, cette reconduction de l’action s’est posée, avant la période des Noël, dans nos rangs et dans les AG, notamment dans l’Oise. L’absence de généralisation de cette reconduction à d’autres secteurs nous concerne car force est de constater que si l’éducation a été et reste un secteur mobilisé, à la fois contre cette réforme mais également contre les attaques sur le service public d’éducation, cette reconduction n’a concerné qu’une poignée de militantes et militants, alignant au mieux 2 à 3 jours de grève consécutifs. Nous n’avons pas atteint, loin de là, les niveaux de 1995 ou de 2003.

Malgré ce qu’il faut reconnaître comme un échec, il nous fallait tenter de construire et d’amplifier le rapport de force au jour le jour dans notre secteur , par solidarité avec nos camarades cheminot.es et traminaux, mais aussi avec la conscience que l’affaire n’allait pas être soldée par un 5 décembre aussi fort fut -il et exigeait un rapport de force de haut niveau inscrit dans la durée.

Je dois vous dire que je ne sens pas parmi les camarades dans nos rangs, engagé.es  au-delà des temps forts, de l’amertume ou du découragement. Loin de là. Au fil des manifs interpro ( tous les mardis et jeudis ) et des AG avec les cheminot.es ( tous les jours avec présence d’enseignats.es) , même pendant les fêtes ( tous les samedis dans l’Oise) des multiples initiatives communes ( blocage dépôt de gaz, occupation de la DSDEN, tractages dans les hosto, sur des plates formes logistiques, devant des centres d’appel …) des camaraderies fortes se sont créés entre des corps de métiers différents qui ne se côtoyaient pas avant. C’est en pleine conscience des difficultés et des limites de la grève reconductible que les camarades se sont engagé.es. Lors de l‘AG de mardi, les cheminot.es nous ont informé de la suspension de la grève reconductible et nous ont dit être plus que jamais disponible pour les temps forts, voire plus dès que la situation l’exigera.

Si l’élargissement à d’autres secteurs dans le public et le privé n’a donc pour l’instant pas été concrétisé, et c’est une des faiblesses de ce mouvement même si il conserve le soutien majoritaire de nos compatriotes, la convergence avec les gilets jaunes, présent.es dans toutes les AG, manifs, initiatives, a permis de retisser des liens avec les OS de transformations sociales , les relégitimant en quelque sorte comme outils collectifs au service des luttes dans un objectif commun : celui de la justice sociale

Pas d’aveuglement béat donc sur la situation et sur la hauteur insuffisante du rapport de force, pas d’amertume ni de résignation non plus mais de la lucidité. La forte action contre les E3C ce lundi dans l’Oise , avec un dress code , la multiplication des retraites aux flambeaux dans le département, la chorégraphie des femmes dans les manifs, les personnels masqués devant la DSDEN de l’Oise …autant de volonté de donner de la visibilité à cette révolte sociale qui, face à la « révolution » Macronienne, veut s’inscrire dans la durée. C’ est à dire réussir le 24 et les suites indispensables dans le cadre unitaire de l’interpro nationale , poursuivre le travail collectif de conviction et de mobilisation, sur nos secteurs également. Ce mouvement, caractérisé par sa durée, sa détermination en conscience de ses forces et faiblesses, nous devons continuer à le construire. Et les convergences que j’ai évoquées sont une des clés de sa force et de sa réussite. Il nous faut les développer et les amplifier. Enfin, une nouvelle génération militante se forge dans ces luttes, et c’est certainement un des atouts de ce mouvement et des mobilisations à venir.