L’offensive libérale de ces dernières années a, entre autres effets,
celui de continuer à développer la précarité. La résistance s’organise
au fur et à mesure que le problème est compris. Mais il n’est pas
toujours évident de contrer l’offensive idéologique qui vise à présenter
la précarité comme « un état naturel » (cf la petite phrase de la présidente du
Medef). Le défi qui se pose au syndicalisme est triple : comment contrer
l’idéologie de « l’inévitable précarité », comment défendre et
organiser au quotidien les précaires et autour de quelles revendications
les mobiliser. En 2500 signes, nous ne traiterons là que le premier aspect.
Dans le second degré, la précarité devient multiforme. Nous sommes
passés des maîtres auxiliaires et des mi/se, qui bien que précaires,
bénéficiaient de garanties, à plusieurs sous « statuts » : contractuels,
vacataires, CDI, assistants d’éducation, assistants pédagogiques, CAE…
Non seulement ces pseudos statuts offrent de moins en moins de droits,
mais ils sont de plus en plus fragilisant car isolent les collègues dans
un rapport individuel au chef d’établissement et ne leur apportent plus
de références communes.
Si nous prenons l’exemple de l’individualisation du rapport
employeur/employé du vacataire ou de l’assistant d’éducation avec le
chef d’établissement, on peut parler d’un double isolement : il est en
effet d’une part isolé de la structure syndicale, si elle n’existe pas
dans l’établissement, et d’autre part des collègues d’autres
établissements, du fait qu’il ne se considère plus comme employé de
l’EN, mais de l’établissement lui-même. Cette absence de sentiment
d’appartenance à l’EN et d’y avoir un quelconque avenir est un frein
puissant tant à l’organisation au sein du Snes que de l’action. Cette
distanciation du lien professionnel et donc des solidarités collectives
par le morcellement des sous « statuts » n’est pas un hasard. Il s’agit
bel et bien d’une volonté idéologique de casser les résistances
collectives, d’abord pour les précaires, puis pour les titulaires. Face
à cela, il importe que l’organisation syndicale retisse à nouveau du
lien professionnel et revendicatif entre les collègues précaires par des
demandes et des démarches militantes unifiantes. Cela suppose donc que
la précarité ne soit pas traitée comme une question catégorielle, mais
comme une priorité, que l’ensemble du Snes s’adresse aux précaires pour
leur dire : « votre combat est le nôtre car la précarité est le
laboratoire de la casse du statut ».
Laurent Boiron, Jean-Marie Barbazanges, Ecole émancipée.