Débat général – Se battre contre l’école à deux vitesses


Mary David


Les projets du second quinquennat Macron visent à accélérer encore la transformation du système éducatif et à renforcer, à tous les niveaux de ce système, son caractère inégalitaire.

On le voit très clairement dans la poursuite de l’appauvrissement du lycée professionnel, dont les élèves vont devoir aller encore davantage dans les entreprises (augmentation de la formation en milieu professionnel de 50%), alors qu’ils et elles ont déjà perdu de nombreuses heures de formation générale lors de la dernière réforme. Derrière l’idéologie du terrain qui forme tout seul, la volonté de faire des économies sur le dos des élèves est évidente. Toujours moins pour les enfants des classes populaires, dont l’horizon se réduit à une employabilité à très court terme.

L’école à deux vitesses se renforce aussi dans la logique de contractualisation qui touche toute l’école. Le contrat, dans lequel les parties s’engagent « librement » , permet de différencier les moyens des écoles ou des filières, les récompenses, et in fine les parcours des élèves et étudiant·es. Cela conduit aussi à contraindre les pratiques pédagogiques. C’est le sens des « débats » lancés par le président-ministre. Le modèle qui inspire le gouvernement est celui de l’entreprise privée à but lucratif, modèle supposé plus performant que les services publics. Mais l’objectif de l’entreprise est de faire du profit pour quelques-un·es, tandis que le service public vise l’intérêt général… Le service public d’éducation, comme celui de la santé, est sacrifié et n’est plus le choix de société des gouvernants.

Partout à l’école, le développement de la contractualisation va de pair avec l’individualisation : au lycée pro, donc, avec le développement prévu des certifications à la place des diplômes ; dans le supérieur, avec le même processus. Mais aussi avec les contrats locaux d’accompagnement et les annonces de l’école dite du futur. L’individualisation suppose l’affaiblissement des cadrages nationaux des grilles horaires disciplinaires, des diplômes, mais aussi des règles du mouvement avec le développement des postes à profil. Et l’affaiblissement, voire l’effacement des règles collectives, qui garantissent l’égalité de traitement.

L’école à deux vitesses qui s’annonce ainsi, c’est une pauvre école pour les pauvres : des apprentissages encore resserrés sur les fameux « fondamentaux », des formations en fonction des besoins économiques de proximité, des licences appauvries faute de financements des universités. Et une école dite d’« excellence » pour les riches : des sections internationales annoncées de l’école au lycée, des graduate schools (aux tarifs déréglementés) à la place des masters, etc.

Alors que les dégâts causés par les réformes Macron-Blanquer sont devenus de plus en plus visibles ces derniers mois, avec notamment les grandes difficultés de recrutement d’enseignantes et d’enseignants médiatisées cet été, nos critiques de ces réformes et de ces gouvernements deviennent plus audibles.

C’est donc maintenant qu’il nous faut dénoncer le discours gouvernemental mensonger et promouvoir de façon offensive notre vision d’une école émancipatrice et fondée sur une culture et des savoirs communs et émancipateurs, à court terme, dans la perspective des élections professionnelles, en profitant aussi de la période de discussion budgétaire pour construire le rapport de force avec les collègues, parents et étudiants en mettant au centre des débats le service public d’éducation.