Face aux attaques répétées contre le service public d’éducation le conduisant au bord de la rupture, syndicats, associations, chercheur·es et militant·es pédagogiques ont initié un cadre commun.
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*Par Alex Martineau
« L’école française, dans son ensemble, va mal. Poursuite de la baisse des résultats des élèves de 15-16 ans en maths et lecture, confirmation des écarts de réussite selon les milieux sociaux, mal-être scolaire sensible des élèves, et souffrance des professionnels de l’éducation.
Ce constat accablant est le fruit de politiques éducatives anciennes (réactualisées et amplifiées ces dernières années), conjuguées à un sous-investissement chronique, qui ont mené le système scolaire au bord de la rupture. Et les annonces récentes de Gabriel Attal avant qu’il ne quitte le ministère de l’Éducation nationale, parce qu’elles se situent dans la parfaite continuité des réformes précédentes, ne peuvent qu’aggraver le caractère inégalitaire et ségrégatif de l’école, et la mise sous tutelle des métiers de l’enseignement. »
Un collectif large…
C’est ainsi que commence l’appel du Collectif Riposte. À l’initiative de l’Association française pour l’enseignement du français (Afef), des mouvements pédagogiques et associations complémentaires de l’école (GFEN, Icem, AFL, Céméa, Ligue de l’enseignement, Crap, OCCE…), des associations d’usager·eres (FCPE) et les organisations syndicales (FSU, Unsa, CFDT, SUD), se sont rassemblé.es dans le cadre du collectif. Plus de 130 chercheur·es et personnalités du monde de l’éducation (dont Dominique Bucheton, Philippe Meirieu, Véronique Boiron, Bernard Lahire, Cécile Allard, Jean-Paul Delahaye, Christine Passerieux, Stéphane Bonnery, Edwige Chirouter, Jean-Yves Rochex, Laurence de Cock…) ont rejoint l’initiative, visant à rassembler « toutes celles et tous ceux qui ne peuvent se résigner à une école du tri social, pour participer à nos travaux pour un Grenelle alternatif ».
Le nombre d’organisations et de personnalités de l’éducation signataires est déjà un évènement en soi. Il démontre, si besoin en était, l’état d’urgence dans lequel se trouve l’école. Mais au-delà de ce nombre, l’envergure de l’arc des signataires est aussi un indicateur important. Elle prouve la conviction largement partagée de la nécessité d’une réponse unitaire, la plus collectivement élaborée, aux politiques éducatives menées ces dernières années.
… pour une critique radicale
Et l’ampleur de l’appel n’a pas conduit à un recul du niveau de caractérisation de ces politiques. Il assume de pointer du doigt « une école du tri social », soumise à « une gouvernance autoritaire, un management violent qui augmentent la souffrance des personnels » et qui organise « la ségrégation des acquisitions scolaires, évinçant les élèves majoritairement issu·es des classes populaires de la maîtrise des savoirs permettant de penser le monde pour le transformer. »
Ceci est en partie le produit de la radicalisation des politiques éducatives menées. Quand les mesures réactionnaires conniventes avec les droites les plus extrêmes s’articulent avec un abandon explicite du consensus démocratisant établi entre 1945 et la fin des années 1990 (cf. l’article de Laurence de Cock p. 10), quand la mise sous tutelle des métiers de l’enseignement exacerbe la dégradation des conditions de travail (cf. l’article de Frédéric Grimaud p. 7), la bipolarisation du monde éducatif est manifeste. Autant que la nécessité de rassembler notre camp.
Un combat pour l’hégémonie culturelle en éducation
En effet, force est de constater que depuis quelques années, et en particulier avec l’arrivée de Blanquer au ministère de l’Éducation nationale, les thématiques chères à la droite et à l’extrême droite se sont imposées dans le débat public : critique du « pédagogisme », autorité, statut pour la direction d’école, laïcité excluante, destruction du collège unique… Le port de l’uniforme, qui fut une proposition de loi formulée par les Républicains et rejetée en commission par l’Assemblée nationale pour finalement être examinée lors de la niche parlementaire du RN, en janvier 2023, fait partie aujourd’hui des mesures du choc des savoirs.
Maintenir les capacités de mobilisation de la profession nécessite de battre en brèche cette hégémonie. D’autant que l’enjeu est de taille. « Pour relever le défi d’une école plus égalitaire, pour former des citoyennes et des citoyens de demain éclairé·es, à même de relever les enjeux majeurs posés par les crises climatiques, démocratiques, sociales qui pèsent sur nos sociétés, une bifurcation est plus que jamais nécessaire. »
C’est à tracer les contours de cette bifurcation, mais surtout à construire sa légitimité au sein du monde de l’éducation mais aussi dans le débat public, que le collectif peut être utile.
Six chantiers de travail sont ouverts. Le premier traite de la revalorisation des métiers et de la formation. Le deuxième s’attaque à la question de l’hétérogénéité et du séparatisme scolaire. Le troisième a pour objet la refonte des contenus scolaires à l’aune des enjeux sociétaux qui nous sont posés. Le quatrième envisage les pratiques pédagogiques permettant de faire vivre le « toutes et tous capables ». Le cinquième réfléchit aux rapports entre temps scolaire et périscolaire et le sixième et dernier aborde la question d’une gouvernance démocratique de l’Éducation nationale.
Un Grenelle alternatif, en juillet ou août 2024, ponctuera ces travaux.
Faire vivre ce cadre
Si ce cadre organise son activité au niveau national, initier des rencontres localement est une perspective à envisager. Ainsi, en Gironde, la FSU est à l’initiative d’une rencontre publique rassemblant les représentant·es du département des organisations signataires nationalement ainsi que les chercheur·es ayant rejoint l’appel.
« Nous appelons toutes celles et tous ceux qui ne peuvent se résigner à une école du tri social, à participer à nos travaux pour un Grenelle alternatif. »
Pour faire vivre ce cadre, pour soutenir l’initiative, il est possible de signer l’appel :
https://framaforms.org/collectif-ecole-riposte-1705947044