Contribution aux débats du conseil national de la FSU-SNUipp 17 et 18 janvier 2024
Cette d’année 2024 s’ouvre sur un monde où, sous la férule de gouvernements nationalistes et autoritaires, les conflits s’amplifient, où les atteintes aux droits les plus élémentaires se multiplient. Nous assistons à une bipolarisation des forces avec d’un côté une droite dure voire extrême et de l’autre des forces progressistes. A toutes les échelles, cette extrême-droitisation menace la paix, la démocratie, le climat, les droits sociaux et les droits tout courts.
En France, l’extrême droite poursuit sa « normalisation », parvenant à se donner une image respectable. Le Président de la République et sa majorité font le choix d’en reprendre les idées phares. Le vote de la loi immigration en est un exemple particulièrement saillant, autorisant la mise en place du principe discriminant de préférence nationale et s’en prenant au droit du sol. La Macronie et LR font ainsi tomber une digue vis-à-vis de l’extrême droite.
Dans ce contexte, le dernier remaniement relève à la fois d’une opération de com’ et d’un resserrement à droite dans le but de durer. Pour les mouvements de transformation sociale de notre pays, la nécessité de construire un rapport de force social et idéologique est de plus en plus urgente pour préserver nos conquis sociaux et la démocratie face à ce projet libéral autoritaire et réactionnaire, marchepied de l’arrivée du RN au pouvoir.
Ancrer la questions climatiques dans le syndicalisme
Surproduction, surconsommation, bétonisation aboutissant à l’épuisement des ressources naturelles sont aussi symptomatiques d’un vieux monde productiviste dont les puissant·es n’ont pas décidé de sortir. Les bonnes intentions affichées lors de la COP28 pour s’éloigner de l’usage des énergies fossiles, tout en ne proposant aucune alternative pertinente, ne masquent pas le fait qu’en 2023 la consommation de pétrole et les émissions de gaz à effet de serre ont encore augmenté.
Les alertes qui se multiplient, s’intensifient, touchent toutes les régions du monde et affectent les populations les plus précaires ne doivent plus être ignorées : inondations, sécheresses, records de chaleur, ouragans, pollution tuent. Et quand cela ne tue pas, cela détruit infrastructures et logements, cela prive de soins ou d’école.
La nouvelle loi énergétique de Macron, abandonne tout objectif chiffré de développement des énergies renouvelables et fait le choix du développement du nucléaire. Il nous appartient de nous mobiliser pour exiger les engagements et les changements radicaux indispensables. En intégrant les collectifs, notamment ceux contre les méga-bassines, le tunnel Lyon-Turin ou l’autoroute A69, en construisant et relayant les mobilisations, nous devons
sensibiliser nos collègues et porter avec elles et eux des perspectives, des exigences, des solutions et tout simplement un avenir à notre monde.
Pour des services publics contre les inégalités
Les services publics n’échappent pas à la logique libérale et au management qui l’accompagne. Nul doute que le « nouveau » gouvernement présentera dans les prochaines semaines la deuxième loi de transformation de la fonction publique, avec comme colonne vertébrale, le salaire au mérite. Un changement de paradigme sur la rémunération des agent·es qui rend le statut de fonctionnaire « injustifiable » aux yeux de Macron.
Le service public ne peut se mesurer à un prétendu « rendement » des agent·es, mais au contraire aux services rendus à tous·tes les citoyen·nes. Il faut donc agir sur les missions et moyens mis à leur disposition pour parvenir à des services publics facteurs de lutte contre les inégalités. Selon l’INSEE en effet, « les revenus avant transferts des ménages aisés sont dix-huit fois supérieurs à ceux des ménages pauvres, contre trois fois après l’effet de la redistribution élargie liée aux transferts monétaires et à la valorisation des services publics ».
Les attaques successives contre nos services publics ont pour but de les rendre de moins en moins opérants, et leur dégradation oblige une partie croissante de la population à avoir recours au secteur privé : emploi, santé, transports, éducation… Et ce n’est pas notre nouvelle ministre qui démentira !
La FSU et la FSU-SNUipp doivent s’inscrire dans une dynamique de mobilisation pour contrer ces offensives et montrer la nécessité de services publics forts avec des fonctionnaires protégé·es par un statut.
Accélérer la mobilisation contre une politique scolaire du tri social
Le passage éclair d’Attal au ministère de l’Éducation Nationale va laisser des traces durables si l’opposition ne se renforce pas urgemment. Les réformes lancées vont à rebours d’une amélioration des conditions de travail, qui sont pourtant la préoccupation centrale des collègues, et qui restent le motif principal de démissions, désengagements, arrêts, burn-out et déshérence du recrutement.
A contrario, les 650 suppressions de postes dans le 1er degré, l’Acte 2 de l’inclusion, la formation hors temps de service nous promettent toujours plus de difficultés à faire notre métier au quotidien. Le « choc des savoirs » assemble les pièces du puzzle d’une école du tri social qui cloisonne les élèves dans un parcours scolaire souvent subi, particulièrement pour les classes populaires, le plus tôt possible, notamment pour répondre aux besoins des
employeurs, avec en particulier la réforme des lycées professionnels qui éloigne d’une culture commune
partagée.
Évaluations standardisées systématisées du CP à la seconde, groupes de niveaux, mise en place de la RàI (Réponse A l’Intervention) pour les élèves les plus en difficulté les excluant des apprentissages de haut niveau, brevet érigé en barrage vers le lycée devraient donc être mis en place dans une urgence qui fait craindre l’habituel manque de financement, de réflexion et d’anticipation, source supplémentaire de stress sur le terrain.
Toujours plus à droite, les recettes du ministère et du président reposent sur des fantasmes d’une pseudo autorité du prof, de l’uniforme ou du SNU, d’une mainmise pédagogique qu’il nous faut déconstruire auprès des parents, des citoyen·nes mais aussi d’une partie de la profession.
Se mobiliser
La grève du 1er février marque une étape de la campagne engagée par la FSU-SNUipp (Il faut que ça se sache, il faut que ça sorte, il faut que ça change) et par la FSU (Nous faisons l’École, faisons-nous entendre !). Il nous faut
réussir cette journée, qui doit être un tremplin vers la suite de l’action, à construire et annoncer dès à présent. Car si nous changeons à nouveau de Ministre, l’arrivée d’Amélie Oudéa-Castéra en intermittente de l’Education nationale ne laisse pas de doute sur la continuité de sa gestion par Attal et Macron. Les propos de la nouvelle ministre prônant le séparatisme social, méprisant le service public d’éducation ont provoqué une colère sur laquelle nous devons nous appuyer. Le 1er février, interpellons-la et donnons-lui un ultimatum. Préparons
fédéralement et unitairement, avec tous les partenaires – parents, recherche, associations… – les étapes à venir en se fixant une échéance qui débouchera sur de nouvelles mobilisations.
Il est plus que jamais indispensable de s’unir pour porter nos revendications. S’unir autour de la FSU-SNUipp en poursuivant notre travail au plus près du terrain, en allant au contact des collègues que nous ne voyons pas habituellement, en provoquant le débat dans les écoles pour co-construire les actions à venir.
Notre syndicalisme majoritaire exige que nous soyons de tous les sujets. Cela signifie donc qu’il nous faut bien évidemment poursuivre nos actions sur les sujets de défense des personnels, des conditions de travail, des moyens, des rémunérations ou encore du métier en les articulant avec les combats sociaux, climatiques et pour les droits. Cette « double besogne » profitera à notre maillage militant, et donnera un nouvel élan à notre syndicalisation, sujet qui doit être au cœur d’une réelle réflexion menée à tous les niveaux de notre syndicat.
Mais s’unir pour gagner signifie également qu’il faut poursuivre notre travail conjoint avec les organisations syndicales de transformation sociale. Plus globalement, dans le contexte actuel, nous avons la responsabilité de faire front avec tous les mouvements qui partagent les mêmes valeurs. L’épisode de la réforme des retraites nous a montré qu’il faudrait aller plus loin, en prenant appui sur toutes les forces du mouvement social : associatives, syndicales et politiques.
Pour en finir avec
le vieux monde patriarcal,
construire la grève féministe
E. Macron a récemment déclaré publiquement être un « grand admirateur » de Depardieu mis en examen suite à des
plaintes pour viol et agression sexuelle. Saluant l’« immense
acteur » qui rend « fière la France », il a dénoncé une « chasse
à l’homme » et limogé Rima Abdul Malak qui a estimé que
Depardieu faisait « honte à la France ». En plus d’avoir ouvert
la voie à d’autres expressions convergentes, ces propos,
tenus sans aucune expression de soutien aux victimes, sont
intolérables. Inversant la culpabilité et à contre-sens de
l’évolution sociétale depuis le mouvement Metoo, ils mettent
en péril les quelques progrès difficilement obtenus en matière
de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Déclarée
1er pilier de sa grande cause pour l’égalité entre les femmes
et les hommes, cette lutte n’a bénéficié que de très peu de
moyens pour la mettre en œuvre. Il faudrait au moins 2,5
milliards pour faire régresser les chiffres dramatiquement
stables de ces violences [1].
Outre le fait que ce soutien manifeste la persistance d’une «
culture du viol » au plus haut niveau qui banalise les violences
masculines à l’égard des femmes, il vise à faire taire celles
qui les dénoncent. Il est la marque d’un vieux monde qui veut
préserver son pouvoir, ses privilèges et qui se tient les
coudes.
Face à cette offensive réactionnaire et patriarcale, la FSU dans
le cadre de la grève féministe a appelé à des rassemblements
jeudi 11 décembre pour dénoncer ce vieux monde et appeler
à soutenir les victimes de violences sexistes et sexuelles, à
les entendre, les comprendre, les croire, les reconnaître et les
protéger. Cette mobilisation prolonge les dynamiques
enclenchées lors des mobilisations du 25 novembre et
construit un pont vers celles du 8 mars prochain.
Au moment où les dynamiques unitaires, avec une
intersyndicale interprofessionnelle appelant à la grève du 8
mars qui s’élargit, il est de notre responsabilité de mener un
travail de conviction. Intégrer cette grève féministe dans un
plan d’actions, visibiliser la réalité des inégalités entre les
femmes et les hommes grâce à des outils et des
communications spécifiques sont incontournables pour
engager plus largement nos collègues.
[1] Rapport de la Fondation des femmes de septembre 2023
Inlassablement, dénoncer et
combattre la barbarie
En février 2022, Poutine lançait l’invasion de l’Ukraine.
L’administration Biden estime à 120 000 le nombres de
soldats russes tués et à 70 000 le nombres de soldats
ukrainiens tués. En deux ans de guerre, le nombre de civil·es
ukrainien·nes tué·es était évalué par la même source à 40
000.
Le rappel de cette triste réalité nous aide à prendre
conscience de la violence de l’intervention militaire
israélienne sur Gaza. Dans cette guerre, les victimes militaires
sont infiniment moins nombreuses que les victimes civiles.
En quatre mois de guerre, 25 000 personnes, en majorité des
femmes et des enfants ont été tué·es par les tirs et les
bombes israéliennes Sans compter les blessé·es, parfois
graves, et celleux qui meurent de froid et de faim.1,1 million
d’enfants palestinien·nes sont exposé·es à la famine.
S’il y avait le même pourcentage de victimes en France qu’à
Gaza, nous compterions autour de 650 000 mort·es !
La stratégie du gouvernement d’extrême droite israélien vise
une destruction massive et systématique, au mépris des
chances de retrouver vivant·es les 130 otages. Même les
hôpitaux ou les cimetières ont été bombardés. Les Nations
Unies ont qualifié d’inhabitable la bande de Gaza où 70 % des
bâtiments ont été détruits, dont 50 % des habitations.
En Cisjordanie, les palestiniens israéliens continuent à être
victimes de centaines d’assassinats et d’expulsions. 250 000
ports d’armes ont été accordés aux colons ces dernières
semaines.
Si le terme de « génocide » utilisé dans le recours de l’Afrique
du Sud devant la Cour internationale de Justice peut faire
débat, la logique d’épuration ethnique et les graves crimes
de guerre dans la stratégie israélienne sont insoutenables.
Il est à noter que Poutine comme Netanyahou ont un candidat
commun dans les prochaines élections américaines : Donald
Trump. Le premier compte sur un arrêt de l’aide américaine
en faveur de l’Ukraine. Le deuxième sur le soutien
inconditionnel de Trump. Avec de tels dirigeants, le monde est
devenu de plus en plus dangereux.
Face à cette situation et aux risques d’embrasement régional
que font courir ces foyers de guerre, la mobilisation en faveur
d’un cessez-le-feu est plus que jamais nécessaire. La FSU-
SNUipp doit poursuivre le travail de conviction et continuer à
faire vivre ces questions. Il en va de notre sécurité, il en va
de notre humanité.