Dans les écoles et les établissements, le quotidien est fait d’injonctions de la part de la hiérarchie. Les enseignant·es subissent cette pluie d’ordres ou d’incitations avec lassitude : sont-ils et elles pour autant en mesure de dire « non » ? S’opposer à la hiérarchie n’est pas chose aisée : la réticence à toute « désobéissance » est de mise, notamment au sortir d’une formation qui a contribué à « formater » les futur·es fonctionnaires. Et pourtant… Confrontée au réel, la profession perçoit rapidement ce qui est utile pour les élèves, et ce qui ne l’est pas, mais répond à des demandes institutionnelles qui servent un objectif technocratique. Elle a pris l’habitude de « ruser », de détourner les directives dans l’intérêt des élèves ou de faire une grève du zèle. Elle ne se résigne pas, ne baisse pas les bras, au pire, elle se protège de l’agression hiérarchique : en réalité, la profession résiste !
Il en va de la responsabilité syndicale d’organiser cette résistance : le Pacte a très peu été signé, il l’a été principalement là où il n’y avait pas d’implantation syndicale. Un « effet établissement » qui se ressent aussi en positif quand il s’agit de ne pas adhérer au Pacte : juste après le mouvement contre la réforme des retraites (mauvais timing pour le gouvernement), des collectifs ont émergé au sein des salles des profs et des maître·sses : ils et elles ont repoussé une réforme qui exigeait de travailler plus longtemps. Le Pacte, dans la foulée, leur impose de travailler davantage, et piétine leur conception du métier. Sans hésitation, la profession y oppose alors un refus qui s’apparente à une opposition politique : avec ce gouvernement, qui use de chantage et explique que c’est le Pacte ou rien, la profession ne négocie pas et répond « rien ». Elle s’applique en revanche à déconstruire les discours auprès des parents d’élèves. Au lycée, par exemple, elle rétablit la vérité sur les chiffres des « heures perdues » (qu’il faudrait compenser grâce au Pacte) : 17 000 heures non assurées l’an passé ? 11 000 ont été consacrées aux épreuves du bac en mars et non aux absences des enseignant·es !
En refusant le Pacte, les enseignant·es entrent en résistance : par leur capacité à bloquer la machine, ils et elles relèvent la tête et reprennent la main. ■
Véronique Ponvert