Dévoiement de la laïcité et islamophobie grandissante. Que faire ?

par Gabriel Recoché

Le paragraphe 8 dénonce l’instrumentalisation de la laïcité à des fins réactionnaires. Nous nous en félicitons.

Nous pouvons cependant aller plus loin et poser la question de la place de la loi de 2004  dans ce processus et dans les discriminations que subissent les musulmanes et musulmans dans ce pays.

Je sais que le sujet est épineux et ne fait pas l’unanimité. Je sais aussi que ce n’était pas forcément le but de cette loi ; mais nous devons nous interroger sur les conséquences de celle-ci particulièrement dans un contexte de montée des idées fascistes, phénomène largement discuté dans ce congrès. De fait, dans ce contexte, cette loi est devenue un instrument de discrimination.

Cette loi modifie le principe même de laïcité : la loi de 1905 impose la neutralité aux agents dans l’exercice de leur fonction et non aux usagers des services publics, aux élèves en l’occurrence. En brisant cet équilibre la loi de 2004 crée un précédent dangereux. Elle fait d’un principe juridique une valeur morale et alimente le soupçon quant à l’attachement à la République des musulman·es en particulier. Cette nouvelle  « loi des suspects » devrait nous révolter car elle légifère sur les intentions supposées de certaines de nos élèves, choisies en fonction de critères racistes et de leurs habits (Quelle limite entre une robe longue et l’abaya ? : la couleur de peau de celle qui la porte).

La loi de 2004 a ouvert la porte à une surenchère réactionnaire concernant la question du voile et de nos compatriotes musulmanes dans le pays tout entier. J’en veux pour preuve les récentes déclarations de Bruno Retailleau sur les mères accompagnantes de sorties scolaires et sur la possibilité d’interdire le voile à l’université. Nous devons nous poser la question dans un pays ou le fascisme gagne du terrain : dans quels lieux en France les femmes portant un foulard ou un voile auront le droit d’exister bientôt ?

En devenant une valeur morale, la laïcité devient un étalon de la « vie bonne ». On dit en creux que nos concitoyennes qui souhaitent porter un foulard appartiennent à une civilisation qui ne serait pas compatible avec la notre. Imaginez la violence que représente cette situation en particulier pour nos élèves. Des études montrent le sentiment d’abandon et de rejet que ressentent beaucoup de musulman·es dans notre pays, les poussant à s’expatrier de plus en plus. Ce qui revient dans ces études c’est que ce sentiment s’est aussi construit à l’école. Comment pouvons nous accepter cela ?

C’est pourquoi nous proposons l’ouverture d’un débat sur cette question dans la fédération.