« Le taux de réussite au brevet et sans doute au bac diminuera dans les années à venir. J’en ai conscience et je l’assume. ». C’est avec ces mots que Gabriel Attal a introduit le Choc des savoirs, rendant explicite la volonté, à l’oeuvre depuis les années 2000, d’exacerber les inégalités d’apprentissage et la hiérarchisation des parcours scolaires.
Qui sont les victimes de ces politiques scolaires inégalitaires ? Ce sont d’abord les élèves des classes populaires. De 57 % des élèves en primaire, leur part est plus que divisée par deux à l’université. Majoritaires dans nos classes, ils et elles sont pourtant renvoyés aux marges de l’école, à coup de PPRE, APC ou autres SRAN, quand les 24h de classe sont pensées pour un élève standard, issues des classes culturellement favorisées, à qui il n’est pas nécessaire d’expliciter la posture intellectuelle requise par l’école. Ce n’est pas fortuit. L’objectif est bien l’assignation à résidence sociale de la majorité de nos élèves. La lutte des classes a bien lieu en classe.
Depuis Blanquer, le ministère n’a eu de cesse que de vouloir inscrire dans les pratiques professionnelles cet objectif inégalitaire, faisant du métier un champ de bataille. Et c’est en mobilisant une hiérarchie de proximité à laquelle les formateurs·trices ou les directeurs·trices sont enjoint·es de s’associer que le ministère mène cet affrontement idéologique.
Nous devons être collectivement lucides sur les mécanismes du tri social opérant tout au long de la scolarité. Cela implique de penser l’École du point de vue des élèves qui subissent ces inégalités, en premier lieu issu·es des classes populaires, en articulant la question sociale avec les inégalités de genre et de race qui déterminent aussi les parcours scolaires. C’est ce qu’éclaire la recherche en éducation. Ce qui est au coeur de l’Éducation nouvelle.
Malheureusement, on constate chez les personnels une moindre conscience des mécanismes inégalitaires et de la nécessité d’y résister. Cela doit être une préoccupation syndicale centrale. La transformation égalitaire de l’École ne peut se satisfaire de mots d’ordre. Il faut dans le même temps en développer la légitimité et les résistances concrètes, quotidiennes, par un travail de terrain où la profession construira la conscience politique des enjeux et s’engagera d’autant plus dans la lutte qu’elle en aura défini le sens, l’objectif et les modalités. C’est tout l’acquis de l’Éducation populaire.
Nous devons nous engager dans la constitution de collectifs locaux, syndicalo-pédagogiques, condition nécessaire à ce que la profession s’engage pour faire vivre un devenir émancipateur pour l’École. Des collectifs où sont discutés le sens politique des injonctions, où sont appréhendées les alternatives que dessinent la recherche et les mouvements pédagogiques, Où s’élaborent des pratiques professionnelles égalitaires et émancipatrices, les résistances nécessaires, et la capacité à s’engager dans des mobilisations d’ampleur contre l’école du tri social dont payent le prix fort le métier et les élèves des classes populaires.