L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque est fondamentale pour que le principe d’égalité dans l’éducation soit respecté.
Tant que l’enseignement privé perdurera, il permettra de reproduire et perpétuer les inégalités scolaires et sociales : y mettre fin est donc une des conditions nécessaires à la lutte contre les inégalités.
Le grand principe de nationalisation de l’enseignement privé, sans indemnité ni rachat, pose nombre d’éléments à traiter. Et sont sans doute à traiter de façon différenciée.
Les mandats de la FSU, s’ils dénoncent sans ambiguïté l’école privée et ses effets sur le dualisme scolaire, se focalisent sur son financement. Les mandats centraux sont en effet l’« exigence que les fonds publics ne financent que les écoles et établissements publics » et (l’« abrogation de toutes les lois favorisant et organisant le financement de l’enseignement privé » Metz, 2021). La FSU exige également un contrôle renforcé des risques d’endoctrinement des élèves scolarisé·es dans le privé. De son côté, l’École émancipée porte, depuis très longtemps, le mandat de nationalisation « sans indemnité ni rachat » de toute l’école privée. Que faut-il entendre par là, et comment ce mandat de nationalisation pourrait-il se concrétiser ?
Des temporalités différentes
Il faut distinguer des mesures de court et de moyen terme. À court terme, il faut commencer par abroger les lois permettant le dualisme scolaire et le financement de l’enseignement privé (cf. les articles de C. Lelièvre et F. Federini dans ce dossier). L’ouverture ou l’extension d’écoles privées ne doivent plus être possibles. Tous les financements publics, qu’ils proviennent de l’État ou des collectivités territoriales, y compris via les mesures de défiscalisation, doivent être supprimés. Il faut également fermer l’ensemble des écoles hors-contrat. L’enseignement privé doit être étroitement contrôlé, pour mettre fin aux multiples formes de non-respect du Code de l’Éducation.
Mais ces mesures d’urgence ne peuvent suffire. En effet, elles vont certainement provoquer un départ de très nombreuses et nombreux élèves vers le public, qui ne sera pas dans l’immédiat en capacité de les accueillir (locaux, personnels). Par ailleurs, la fin du financement public ne signifiera pas la fin des établissements privés de la grande bourgeoisie, qui, s’ils profitent largement de l’argent public, peuvent tout à fait s’en passer.
Sans indemnité ni rachat
Il est donc nécessaire d’organiser à la suite des premières mesures la nationalisation complète des écoles privées : récupérer à la fois les formations, les bâtiments, leurs aménagements et les personnels qui y travaillent. « Ni indemnité ni rachat » signifie que l’église catholique, ou les associations détentrices des écoles privées, ont été très largement financées par les fonds publics ce qui compense grandement la perte financière provoquée par la nationalisation. Les personnels enseignants sont sélectionné·es par l’État (par des concours équivalents à ceux du public) et, pour une partie d’entre elleux, formé·es dans les universités. Ils et elles peuvent donc être directement fonctionnarisé·es dans les corps correspondants de l’enseignement public. Les enseignant·es non formé·es dans le public et les personnels non enseignant·es peuvent être intégré·es et fonctionnarisé·es en mettant en place des parcours de formation adaptés (y compris la diplomation au sein des universités).
Enfin, la constitution d’un service d’éducation scolaire 100 % public ne peut pas mettre fin à la ségrégation sociale des écoles et établissements, sans un redécoupage étroit du périmètre de recrutement des établissements. Ce redécoupage doit s’accompagner de mesures visant à empêcher les stratégies de contournement mises en œuvre par les familles des classes supérieures.
Mary David et Blandine Turki