11’30 contre les lois racistes

MUSIQUE

  • pp. 38 du numéro 103 de la revue de l’Ecole Emancipée, par Antoine Chauvel –

« Un État raciste ne peut que créer des lois racistes » : c’est par ces mots forts que commence ce morceau mythique du rap français. Destiné à récolter des fonds pour le mouvement de l’immigration et des banlieues (MIB), choix politique absolument pas anodin, il naît en 1996 au moment des discussions de la loi Debré, symbole du durcissement des lois d’immigration, sous pression, déjà, de l’extrême droite. En 1996, ce sont aussi les sans-papiers occupant Saint-Bernard qui étaient expulsé·es : « j’commence quand la France défonce des églises à coups de hache » (Stomy Bugsy).

Maître Madj, d’« Assassin Production », et Jean François Richet, réalisateur du film « ma 6T va craquer », rassemblent 17 artistes dont certain·es déjà très connu·es. Filles et fils d’immigré·es, iels font le choix de dénoncer le traitement raciste de la question migratoire. Avec plus de 60 000 ventes, c’est le premier morceau politique et collectif de rappeur·euses qui bénéficiera d’une audience telle que le journal L’Express parlera de « pétition rap ».

Loin de se limiter à la question des lois racistes, ce morceau souligne aussi l’apport de l’immigration en France (« Rappelle-toi qui s’est battu pour la France, couteau entre les dents, rampant, et rien dans la panse », Akhenaton), tout comme il en dénonce le manque de prise en compte : « C’est que quand je pense à ce que ta France a pris à l’Afrique noire et à l’Algérie, de quoi tu nous parles aujourd’hui ? De quelle dette ? De quels droits ? De quels papiers ? » (Fabe).

Fondamentalement ancré à gauche, ce son visait déjà, en 1997, à rassembler et faire face aux divisions de notre camp social. Car ce qui s’apparente à un manifeste antiraciste exprimait aussi très simplement dès son introduction : « Nous revendiquons l’émancipation de tous les exploités de ce pays. Qu’ils soient français. Ou immigrés » (Madj/Richet) ■

À écouter : « 11’30 contre les lois racistes ».