« La Grèce est tenue de continuer sur la voie des réformes déjà engagées, sans aucune alternative, quel que soit le résultat du futur scrutin ».
Ainsi s’exprime Wolfgang Schäuble, ministre allemand des finances dans Le Monde du 4 janvier. Le message a le mérite de la clarté.
Un mois avant un scrutin démocratique la ligne est donnée depuis Berlin.
Elle est ensuite déclinée à Bruxelles ou à Paris, par Hollande, élu pourtant sur des promesses de « réorientation » des politiques européennes.
Il s’empresse de doucher les (minces) espoirs de ceux et celles qui voulaient voir dans ses renoncements successifs un isolement français sur la scène européenne.
Il ne se saisira pas de l’opportunité grecque pour se rappeler au bon souvenir de la gauche. « Des engagements ont été pris et doivent être tenus » tranche-t-il au contraire au lendemain de la victoire de Syriza, endossant ainsi le costume « There Is No Alternative » qui sied si bien aux politiques libérales.
À l’approche des 10 ans du référendum contre le TCE, c’est un rappel amer que « Démocratie » et « Union Européenne » ne font pas bon ménage. Allégeance à la doxa bien mal rémunérée d’ailleurs, puisque le gouvernement français s’est fait rappeler à l’ordre par la commission européenne, celle-ci refusant un délai supplémentaire pour atteindre le nirvana des 3 % de déficit budgétaire.
Le combat des Grecs est donc le nôtre : desserrer l’étau des politiques austéritaires en France passe par la remise en cause des politiques européennes. Comment croire à la possibilité d’une politique favorable aux salaires des fonctionnaires et à l’amélioration des services publics si la pierre d’achoppement de l’édifice européen qu’est la course aux restrictions des budgets publics n’est pas ébranlée ?
Ce début d’année 2015 a été marquée par un 1er acte qui nous indique le niveau d’affrontement nécessaire avec les tenants de l’ordolibéralisme européen pour mettre fin à la dépossession de nos droits démocratiques et sociaux. La scène finale fut ce repli du gouvernement grec à la recherche de temps pour construire un rapport de force plus favorable. Certains le regrettent. Nous devrions surtout nous interroger sur le rôle auquel nous pourrions postuler dans ce second acte qui s’ouvre.
Or les mouvements sociaux, et notamment les syndicats européens n’ont pas su (à quelques exceptions italiennes et allemandes près), pour l’instant, réagir à la hauteur des enjeux, tétanisés par cette situation inédite qui fait que le combat contre l’austérité est portée par un parti politique, aujourd’hui dirigeant d’un gouvernement. « Business as usual ? ». Alors que la crise économique et politique en Europe est profonde, « systémique » et en cela « inédite », nous ne répondrons pas à ces nouvelles questions stratégiques par la mobilisation de nos seuls repères traditionnels.
Le printemps à venir, se terminant par un nouveau cycle de négociations entre l’Eurogroupe et le gouvernement grec, doit nous permettre d’ouvrir des perspectives pour un front large contre l’austérité, en France bien entendu, mais toujours en lien avec les enjeux européens. Mobilisation contre la BCE à Francfort, grève interprofessionnelle le 9 avril, perspectives d’initiatives européennes en solidarité avec les grecs en juin… En ce printemps, contre l’austérité et pour le droit à construire nos destins, nos luttes passent par Athènes ! ●
Julien Rivoire