Mon intervention va porter sur l’éducation… Parce que c’est la première rentrée du ministre, mais aussi parce que l’éduc n’est pas le seul sujet d’inquiétude de ce CDFN, et même plutôt parce qu’il est au second plan, par rapport à la loi travail ou à la situation des fonctionnaires.
Alors pourquoi l’éducation doit-elle nous occuper particulièrement ?
Parce que Blanquer, totalement acquis aux politiques libérales, a un projet éducatif contraire à celui de la FSU et qu’il nous faut l’analyser et le combattre.
Commençons par la méthode Blanquer : il procède par petites touches, fragmentées, dispersées. L’assouplissement de la réforme du collège engendre des inégalités, l’assouplissement des rythmes scolaires renforce encore un peu plus la territorialisation de l’école… Même chose au lycée, avec la réforme annoncée du bac, et un contrôle continu qui viendra, là aussi, exploser un peu plus le cadre national. Les petites touches, c’est ça : tous les niveaux scolaires sont touchés, pas en même temps, pas forcément sur le même plan, mais personne n’est épargné.
Blanquer veut parcelliser le système éducatif, le défaire de tout cadre national : dès le primaire, il individualise l’accès aux apprentissages, et au collège, cette individualisation se répercute sur les parcours scolaires, et entraîne des processus de sélection (qu’il euphémise en parlant d’orientation et non de sélection) au collège, puis au lycée. Quant au supérieur, les prérequis qui se discutent actuellement pour l’entrée à l’université (sur un fond de coupe sombre budgétaire de 331 millions d’euros !) représenteront une sélection brutale pour les bacheliers : c’est une régression historique qui se prépare.
Et les profs ? Blanquer sait bien que ce sont les vecteurs des réformes, il faut qu’ils soient acquis à ce projet, ou bien qu’ils n’aient plus les moyens de le contester. Blanquer a annoncé sa volonté de mettre en place le recrutement pas les chefs d’établissement… Cette mesure emblématique garantit la mise au pas des personnels. Mais même avant qu’elle ne se mette en place, l’autonomie qui place les personnels au plus près de leur hiérarchie œuvre déjà dans le sens de la soumission ; les ingrédients de la gouvernance managériale (conditions de travail dégradées, injonctions pédagogiques, missions imposées et souvent dénaturées…) leur ôtent déjà leurs capacités d’agir.
Blanquer dit qu’il ne fera pas de grande réforme, c’est à voir. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il ne va pas chercher à modifier ce qui fait de notre système scolaire l’un des plus inégalitaires, bien au contraire, il va en renforcer le caractère ségrégatif ; déjà, il distille, par petites touches, son mépris de l’égalité, une des valeurs du SP d’éducation que nous défendons : l’unité du collège est dans le viseur, l’apprentissage et l’alternance vont s’imposer tôt dans le cursus scolaire pour orienter, répartir, en un mot trier les élèves et leur réserver des destins scolaires bien disparates. Car pour finir, l’objectif de Blanquer est bien là : renoncer à l’élévation du niveau de qualification de tous et toutes, poursuivre les politiques qui ont rompu avec la volonté de démocratisation du système d’éducation et de formation, promouvoir l’apprentissage et mettre en place une école résolument et précocément sélective.
Il y a donc un enjeu essentiel pour la FSU à combattre ce projet qui va à rebours de l’histoire : il faut analyser toutes les attaques de Blanquer, aussi fragmentées soient-elles, comme cohérentes ; il faut unifier nos revendications quelles que soient les catégories de personnels touchées, et mettre au jour le projet de destruction de l’éducation nationale qui est contenu derrière toutes ces petites touches.
Ce projet, dans sa globalité, n’est pas facilement lisible pour la plupart de nos collègues. A nous, dans la fédération, d’en montrer la cohérence, et de porter un tout autre projet d’école. Il faudra, pour ce faire, appeler la profession à se mobiliser, il faut donc mettre en perspectives et préparer dès maintenant une mobilisation dans le champ de l’éducation.