Texte action présenté par l’École Émancipée au CN du SNES-FSU des 13 et 14 septembre 2022
Détruire la planète et appeler aux « petits gestes »
C’est au mieux de l’hypocrisie, au pire de la manipulation, le président des ultra-riches et son gouvernement ont décidé que rien ne changerait. Et pour ne rien changer, il faut culpabiliser, diviser et bercer. Et il nous reste pourtant peu de temps (3 ans selon le GIEC).
Canicule, feux de forêt, inondations au Pakistan, cela devrait nous réveiller ! Nous n’avons rien à attendre des
propriétaires de jets privés, des profiteurs·euses1 de crise dont font partie les grandes entreprises pétrolières qui tirent avantage de l’augmentation du prix du carburant (18 milliards de bénéfices pour Totalenergies au 1er trimestre, soit +200%, alors qu’elle ne paie pas d’impôts sur les sociétés en France depuis 2019 !).
Notre camp social n’oublie pas que c’est le capitalisme qui est responsable du réchauffement climatique. Les 10 % les plus aisé·es émettent 5 fois plus de carbone que la moitié la plus pauvre des Français·es. Les tribulations des ultra-riches en jet privé (10% des vols en France), l’usage récurrent des transports aériens par une minorité ou Macron sur son jet-ski nous rappellent la nécessité de lier nos combats pour l’égalité sociale et pour la planète. En Allemagne, le ticket mensuel de transport à 9 € a permis d’économiser 1,8 million de tonnes de CO2. En Espagne, la gratuité des transports en commun permet de limiter le coût du carburant pour la population. La lutte contre le changement climatique est à articuler avec les mesures pour protéger les citoyen·nes de la hausse du prix des carburants. Et il est indispensable d’appeler à boycotter la coupe du monde au Qatar qui a coûté la vie à 6 500 ouvrier·es et dont les stades climatisés constituent un scandale écologique.
Accaparer les richesses mais annoncer au peuple qu’il faudra « payer le prix de la liberté »
Pendant que les dividendes augmentent de 32,7%, l’inflation fait grimper les prix de bientôt 7%, alors que les
salaires augmentent au mieux de 3%. La guerre en Ukraine a bon dos pour permettre aux spéculateurs·rices1 de s’en mettre plein les poches : la pénurie est anticipée par le marché et les prix augmentent de manière artificielle ; en outre les entreprises se servent du prétexte de la guerre pour augmenter leurs prix.
A cette situation, Macron et son gouvernement répondent par une loi « pouvoir d’achat » égrainant des mesures
anti-sociales et refusent la taxation des superprofits (contrairement à l’Espagne, au Royaume-Uni ou à l’Italie qui taxent les grands groupes de l’énergie à hauteur de 25%) mais préfèrent mettre fin à la redevance audio-visuelle pour affaiblir encore un peu plus l’indépendance des journalistes vis-à-vis des possédant·es1.
La guerre en Ukraine entraîne des difficultés, en terme d’approvisionnement en énergies. On se souvient pourtant
des déclarations de Bruno Le Maire qui affirmait que l’Europe avait « des solutions pour devenir indépendante du gaz russe ». C’est maintenant la Russie qui menace l’Europe d’une rupture totale d’approvisionnement en gaz. C’était là sans doute la raison de la visite de Macron en Algérie : négocier l’approvisionnement en gaz. La métaphore de l’histoire d’amour pour évoquer les relations entre la France et l’Algérie révèle surtout une tentative d’effacer la position de domination violente qu’a exercé la France sur l’Algérie pendant la colonisation. Pour faire face à la crise énergétique, rien ne vaudrait le recours au nucléaire ? Quand on voit que certains pays arrêtent les centrales car les barrages n’ont plus d’eau, cela fait sourire au mieux, ou devient carrément inquiétant en terme de sécurité civile. Quelle transition écologique !
« S’inquiéter » des périls qui montent mais détruire la Fonction publique, les retraites et la protection sociale
Le démantèlement des services publics et de la protection sociale (sécu, chômage) se poursuit alors qu’ils sont
des remparts pour éviter que la population se prenne de plein fouet les catastrophes climatiques (l’INSEE a observé une surmortalité lors des vagues de chaleur), la pandémie de COVID 19 et l’augmentation du prix de l’énergie. Les néo-libéraux·ales1, qui servent leur idéologie aveuglante détruisent ces biens communs. Dans ce contexte, l’annonce par la FSU du boycott de la première réunion du cyniquement dénommé CNR est un bon signal.
Par ailleurs, le SNES-FSU doit dénoncer régulièrement les agissements de l’extrême droite (en particulier ses
députés et ses nervis) qui cautionne la politique de Macron et dont l’objectif reste une école réactionnaire et raciste.
De plus, quand le gouvernement nous fait croire qu’il lutte contre la pauvreté par les « chèques énergies » et la
possibilité d’un rachat de RTT, il poursuit le démantèlement des services publics, et renforce en fait une forme de
paupérisation collective. Pour les fonctionnaires, l’augmentation prétendument historique du point d’indice ne fait pas le poids face à l’inflation, et est très loin du rattrapage espéré des pertes engendrées depuis 15 ans. Mais si Macron est prêt à donner ces miettes, c’est peut-être qu’il craint une mobilisation d’envergure à venir.
En réponse : 1) porter nos analyses fort et haut sur la situation de l’éducation nationale
Dans l’Éducation, le ministre a beau répéter qu’il y aura bien un·e enseignant·e devant chaque classe à la rentrée,
il ne parvient pas à cacher la crise profonde qui touche notre secteur. Le manque d’enseignant·es est très médiatisé en cette rentrée et les jobs datings décriés bien plus largement que par nous seul·es. Ndiaye a également annoncé de « grands débats » dans les écoles et les établissements : discutez localement et culpabilisez de ne pouvoir faire mieux avec toujours moins. Il s’agit de privatiser par petits morceaux. Dégoûter du métier pour embaucher à moindre coût les profs est appelé « pénurie » ce qui évite de nommer les causes de cette situation. La rallonge du budget de l’éducation, annoncée au cœur de l’été, est très faible et très floue. Dans les médias, le SNES et la FSU ont été sollicités et nos revendications salariales réaffirmées. C’est bien, mais ces prises de parole médiatiques n’ont pas permis de mettre en lumière le fait que ce que le gouvernement présente comme des « pistes » pour « revaloriser » le métier d’enseignant·e constitue en réalité des attaques, déroulées avec le même opportunisme que lors de la crise sanitaire. C’est aussi sur cela qu’il faut communiquer : nouveau pacte, réforme du lycée et du bac, du recrutement et de la formation des enseignant·es, évaluations des établissements, remplacements en interne réactivés, baisse des DHG, suppressions de postes, recours accru et normalisé aux contractuel·les… tout cela a pour buts la caporalisation, la dérégulation, la casse des statuts, pour mieux en finir avec l’école publique gratuite. La communication du SNES doit être minutieusement réfléchie avec le double objectif de donner de la visibilité et de l’écho à nos revendications, et obtenir le soutien de la population, contre
la politique du gouvernement. Cela suppose de lier nos revendications professionnelles à des revendications sur la qualité du service rendu. Par exemple, il faut expliquer en quoi l’évaluation des établissements nuit au service public d’éducation, revendiquer l’arrêt des évaluations en cours et exiger des moyens supplémentaires pour permettre aux établissements d’assurer leurs missions. Il faut partir de ce que vivent les collègues, les jeunes et leurs parents.
Par exemple, les premiers bilans du bac Blanquer (et de ParcourSup) sont dramatiques. Nous devons enfoncer le coin pour expliquer pourquoi le SNES-FSU est contre ce bac et pour la suppression de ParcourSup. Il faut expliquer en quoi la précarisation de nos métiers et la réforme du recrutement et de la formation nuisent aux apprentissages des élèves. Plus précisément, il faut montrer comment la pénurie d’enseignant·es est orchestrée et préparée depuis de nombreuses années, continuer à exiger des hausses de salaires et l’amélioration drastique de nos conditions de travail, mises à mal par les réformes libérales à l’œuvre depuis 15 ans mais aussi revendiquer l’augmentation du nombre de postes aux concours : les chiffres sont sans appel, moins il y a de postes ouverts et moins il y a de candidat·es. Communiquons sur ce que veut dire la contractualisation de l’école par une campagne médiatique au-delà des élections professionnelles.
Malgré l’image positive qu’il souhaite renvoyer, le ministère poursuit sa répression contre les militant·es. Le
SNES affirme son soutien à Kai Terada, militant de Sud éducation suspendu 4 mois sans qu’aucun motif ne lui ait été communiqué. Le rectorat a seulement informé la presse que c’était pour permettre un « fonctionnement serein de l’établissement », est-ce à dire sans militant·e syndical·e ?
2) Emboîter le pas des mobilisations pour faire barrage à la politique ultralibérale de Macron et de son monde !
Au Royaume-Uni, la situation est explosive : l’inflation à plus de 10 % relance le mouvement commencé en juin.
Le 18 août, les cheminot·es étaient en grève et devraient être bientôt rejoints par les employé·es des ports, les
facteur·rices, les éboueur·euses, et le secteur de la santé. Prenons exemple !
Pour réussir la journée de grève du 29 septembre avec la CGT et Solidaires, il faut que des mobilisations locales
percent, qu’elles soient appuyées, médiatisées et mises en lien. Que les parents d’élèves se soient emparé·es de la question et que les collègues se soient mis·es en disposition de se battre pour gagner. Il faut également rappeler aux collègues l’efficacité de la grève, quand elle est une démonstration de force : on l’a vu le 13 janvier. La grève du 29 peut constituer une étape importante pour forcer le pouvoir à faire d’autres choix politiques, surtout si on la présente comme telle pour mieux mobiliser. Un appel éducation spécifique est donc nécessaire.
Dans notre profession particulièrement féminisée, il faut rappeler à nos collègues qu’elles seront les grandes
perdantes du salaire au mérite. En effet, beaucoup de femmes effectuant déjà des tâches invisibles et non rémunérées ne pourront pas s’investir davantage dans leur établissement pour de nouvelles tâches supposées donner droit à une « hausse » de rémunération.
Par ailleurs, il faut communiquer et préparer dès maintenant dans nos communications les grèves féministes à
venir. Le droit à l’avortement est encore bien trop menacé dans beaucoup de pays, et n’est déjà plus considéré comme un droit dans d’autres… Le SNES-FSU doit tout faire pour que le 29 septembre soit une journée d’actions et de mobilisation réussie.
3) Reprendre confiance dans nos forces !
Pour la première fois depuis 40 ans, une grande partie de la gauche politique a su s’unir aux élections législatives
et se fait entendre dans le combat pour plus de justice sociale. Profitons-en, le SNES et la FSU doivent continuer à
s’investir aux côtés du mouvement social dans toutes les initiatives qui permettent de tracer des alternatives au projet de société ultralibéral du gouvernement ou proto-fasciste de l’extrême-droite. Il faut continuer à faire jeu commun, comme cela a été le cas autour de la non-participation au CNR. La « marche » de début octobre initiée par la NUPES constitue une perspective après la grève du 29, en même temps qu’une étape pour consolider l’unité d’un mouvement social fort et porteur d’alternative.
Nous devons nous poser la question des moyens à mettre en œuvre pour redonner de l’espoir à notre camp social,
car c’est aussi comme cela que nous gagnerons les élections professionnelles. Comment se battre ? Pour gagner quoi ? Il nous faut prendre un temps formel pour réfléchir à un plan d’actions, et nous mobiliser pour gagner. Les grèves sans écho ou sans conséquence ont démoralisé les collègues qui ne voient plus comment exprimer leur colère. Mobiliser de nouvelles et nouveaux militant·es et syndiquer de nouvelles et nouveaux collègues passera par les luttes et l’analyse partagée du démantèlement des services publics par les néo-libéraux·ales. Pour ce faire, usons de tout notre répertoire d’actions : appels francs à la grève et à des actions symboliques, mots d’ordre clairs (par exemple à refuser lesévaluations des écoles et établissements, comme le fait la FSU-SNUIPP), assemblées générales à toutes les échelles, rencontres avec d’autres secteurs de la fonction publique ainsi qu’avec les usagèr·es, doivent être des objets de réflexion au même titre que les réflexions professionnelles que nous menons déjà.
1 Quoique les femmes soient minoritaires parmi elleux, les dominations patriarcales et socio-économiques se recoupant en partie.