Je fais l’école à la maison pour mes trois enfants depuis le 18 mars.
Parce que je suis au chômage technique (et toutes les incertitudes que cela suscite) et que du coup « j’ai le temps ».
Parce que mon conjoint télétravaille.
Parce que j’en ai les capacités intellectuelles.
Parce que j’ai une connexion internet.
Ces moments de classe, je dois l’avouer, sont rarement de bons moments. On s’impose, cinq jours par semaine, une rigueur, des horaires, histoire de ne pas se laisser aller, mais aussi simplement car sans cette rigueur, on n’arriverait pas à suivre au vu de la quantité de travail donné.
Trois, quatre, parfois cinq heures par jour. Et pourtant, on ne vit pas de classe charnière : un CM1, deux sixièmes.
On l’a bien compris : pandémie ou non, il va falloir finir le sacro-saint programme. Alors on ne supervise, assiste, accompagne pas que des devoirs ou des TP. On fait des leçons : calculs de périmètre, fractions, accords des adjectifs, analyse de texte… Et j’en passe.
Parfois, il y a un petit mot fléché, un petit compte est bon, une vidéo et l’atmosphère est tout de suite plus détendue. Mais ces moments sont – trop – rares. Les cerveaux saturent. Tous les cerveaux !
Je ne suis pas enseignante, ce n’est pas mon métier, ce n’est pas ma vocation. On fait au mieux ; heureusement, les profs sont malgré tout présent-es : messagerie, téléphone, mail.
Mais nos enfants sont bons élèves ils s’en sortiront au final. Nous sommes chanceux, finalement.
Pourquoi l’école à la maison doit-elle remplir toutes les conditions de la vraie école, alors que nous n’avons pas nécessairement les connaissances, les formations pédagogiques requises, la capacité mentale de le faire ? Quelle pression a-t-on mis aux enseignant-es pour qu’ils et elles se retrouvent contraint-es à nous imposer une continuité pédagogique irréaliste et irréalisable pour la plupart des parents et des enfants ? À la fin de la journée de classe, je coche mentalement : c’est bon, une de plus, on l’a fait. Dans la douleur, mais on l’a fait. Mais n’aurions nous pas été mieux sans tout ça ? Et si on avait juste fait un gâteau ensemble, converti des mesures et écrit une recette à la place ?
Sans la continuité pédagogique, nos enfants deviendraient-ils bêtes à manger du foin ? Le deviennent-ils après deux mois de vacances d’été ? Il me semble pourtant que non. Des jeux de société, des lectures, histoires contées, des moments passés ensemble dans cette situation unique, historique et anxiogène ne feraient-ils pas aussi bien l’affaire ?
Après ces longues journées, beaucoup, beaucoup de questions restent sans réponse.
Alors, j’ai une pensée pour tous les autres parents.
Ceux ou celles qui sont seul-e-s.
Ceux ou celles qui travaillent.
Ceux ou celles qui ne comprennent pas la consigne.
Ceux ou celles dont les enfants ne comprennent jamais la consigne.
Ceux ou celles qui ne parlent pas bien le français.
Ceux ou celles qui n’ont pas internet.
Ceux ou celles qui sont malades.
Ceux ou celles qui subissaient déjà l’inégalité des chances dans le monde d’avant.