La FSU a tenu son 8ème congrès début février. Elle l’a abordé avec beaucoup d’interrogations. Dans un contexte social et politique extrêmement dégradé, la FSU a en effet accumulé des pas de côté lors du dernier trimestre 2015, qui l’ont mal positionnée, ce qui a entraîné inquiétudes et incompréhensions de toutes parts, tant en interne qu’à l’externe.
Ce dernier trimestre a vu se succéder de façon très concentrée des difficultés importantes : l’épisode PPCR a suscité des débats intenses à l’interne et donné lieu à une signature arrachée d’extrême justesse et très mal comprise… Il a en outre « marqué » la FSU par un positionnement l’éloignant de ses partenaires syndicaux de « transformation sociale ».
Cet épisode a d’autant plus mal cicatrisé que l’éloignement avec les mêmes partenaires s’est à nouveau confirmé, à deux reprises, sur des enjeux majeurs : celui des libertés à travers la condamnation de l’état d’urgence (EU) et celui de la lutte sur les salaires dans la Fonction publique le 26 janvier. Dans les deux cas, la FSU s’est « ratée » : au final, son positionnement national s’est trouvé en net décalage par rapport à celui de certains de ses SN et surtout, d’une très large majorité de ses SD. Au cours des dernières semaines, les positions contre l’EU et l’engagement dans les collectifs « nous ne céderons pas » se sont multipliés partout en France, l’appel à la grève FP le 26 a été lancé par des SN et par 77 SD, alors que la direction de la fédération s’en tenait au « soutien » du mouvement annoncé sur les salaires.
On avait donc une question récurrente depuis 2012 : une direction de la fédération assumant difficilement une opposition claire à la politique gouvernementale alors que celle-ci, pourtant, évoluant de plus en plus vers la droite, ne lui donnait en rien satisfaction.
Il faut ajouter à cela deux éléments déterminants, les mauvais résultats de la FSU aux élections professionnelles de 2014 et la tentation d’un glissement vers un syndicalisme plus enclin aux négociations qu’à la confrontation (avec même des références à une forme de “réformisme” pour l’orientation de la FSU)… La volonté d’UA de revenir sur la règle fondatrice de la fédération des 70 % a renforcé un mauvais climat d’ouverture du congrès.
Cette situation, assez grave il faut le reconnaître, aurait pu donner lieu à un congrès de crise. Le décalage constaté dans le positionnement général de la fédération avait été cependant déjà un peu réduit à l’entrée du congrès, puisque la FSU avait modifié son positionnement sur l’EU lors du BDFN précédent. L’annonce de la volonté d’en découdre (enfin) sur la question des salaires dans la FP a aussi contribué à réchauffer le cœur des délégué-es.
Bien que l’aspect un peu patchwork des interventions de chaque syndicat national (malheureusement toujours révélateur des insuffisances fédérales) ait pesé sur la séance d’ouverture, les critiques les plus fortes ont été posées dès ce débat. Elles replaçaient l’action de la fédération dans le cadre de la lutte contre les politiques d’austérité menées par ce gouvernement libéral et rappelaient la nécessité de la lutte pour le progrès social, avec une remise en cause de la ligne suivie par la fédération dans ce passé proche. Et ce avec une bonne écoute des délégué-es, notamment des sections départementales qui composent près de la moitié du congrès. Le climat général combatif du congrès a marqué l’ensemble de ses travaux.
Le travail sur les thèmes (détaillé dans les pages suivantes), qui permet d’obtenir des mandatements offensifs pour les trois prochaines années, a été mené de bout en bout de façon pluraliste : après d’âpres débats où chacun (dont l’EE) a contribué, la synthèse a prévalu et les textes sont de véritables points d’appui pour les mois à venir. Dans la mesure où ils sont appliqués.
Sur la remise en cause des 70 %, devant le peu de succès de son amendement statutaire, UA a retiré sa proposition et a dû rechercher une voie de synthèse. C’est une vraie victoire pour les fondamentaux de la fédération, dans laquelle l’EE a joué les premiers rôles, même s’il n’y a pas eu un accord général sur la proposition avancée (voir page 13).
Sur la question décisive de sa place et de son rôle dans le mouvement syndical, le congrès a clarifié et même approfondi les choses : son syndicalisme de « transformation sociale » a été réaffirmé, avec une FSU qui s’adresse à deux partenaires privilégiés CGT et Solidaires (et non la seule CGT comme le souhaite le SNES) et veut renforcer un cadre de travail pérenne avec eux. La position d’un « entre-deux camps », avec une FSU faisant le lien et étant de fait « en dehors » du syndicalisme de transformation sociale, n’est donc pas le projet syndical retenu, n’ayant même pas été défendu dans le congrès. Cette orientation a été concrétisée par le texte action voté à une très large majorité, qui a rappelé la position de la FSU contre l’état d’urgence, la mise en débat d’une grève rapide sur les salaires dans la FP et sa volonté de s’investir dans une mobilisation interpro, notamment sur le droit du travail.
Lors de ce congrès, après être sortie renforcée du vote d’orientation des syndiqué-es, avec près de 20 % des voix, l’EE a joué tout son rôle. L’entrée dans le congrès était grave et critique, la sortie se fait avec des militant-es remobilisé-es sur les enjeux de la période et c’est un point important. C’est un congrès positif. Un congrès qui redonne de l’élan mais ne rassure pas totalement sur l’avenir de la fédération, tant les inconnues sont nombreuses : quel rôle pour la FSU dans un contexte social et politique où se réduit la part de Fonction publique, où la violence des attaques contre les salarié-es fait rage ? Quel avenir pour le syndicalisme face à la destruction des acquis des salarié-es et à la difficulté de construire un grand mouvement social ? Quelles avancées en termes de recomposition syndicale ? Le mouvement en cours contre la loi El Khomeri, véritable bouffée d’air frais, va être, de tous ces points de vue, un révélateur… à saisir ! ●
Véronique Ponvert, Laurent Zappi