Le 6 juin, Clément Méric, militant syndicaliste antifasciste, est mort des suites des coups reçus la veille de la part de nervis fascistes.
Au delà de l’émotion, de la colère légitime, ce meurtre nous interroge sur notre société.
Ce qui est inquiétant, ce n’est pas seulement l’existence de groupes fascistes susceptibles de frapper à mort, c’est d’abord la relative faiblesse des réactions : les rassemblements immédiats ont été nombreux, mais ils n’ont pas, en particulier à Paris, été massifs, comme si chacun, même les militants, était englué dans sa propre réalité et avait des difficultés à hiérarchiser. Il a fallu une semaine pour un appel à une manifestation plus conséquente le 23 juin, mais sans les « grands » syndicats.
Ce qui est inquiétant surtout, c’est l’ampleur et la violence des manifestations contre le mariage pour tous, manifestations d’une homophobie et d’une réaction totalement assumées. C’est la montée d’un courant de sympathie pour les thèses populistes et fascistes se traduisant par des « cotes de popularités » jamais atteintes en faveur de Marine Le Pen. Ce sont les partielles dans l’Oise, le Lot-et-Garonne et les 20 % en intentions de votes pour le FN aux élections européennes, le faisant ainsi le deuxième parti juste derrière l’UMP.
Quand François Hollande évoque une « clause de conscience » pour les maires leur permettant de refuser de faire un mariage homosexuel, il justifie idéologiquement les thèses homophobes. Lorsque Manuel Valls accentue les expulsions ou fait chercher les enfants étrangers dans leur école, il justifie le racisme. Quand on organise des rafles comme ce 6 juin à Barbès, on justifie l’association étranger-danger. Tout cela fait le lit de l’extrême droite qui se nourrit de la précarité, de la désespérance, alors qu’il fallait rompre avec les politiques menées sous le sarkozysme pour espérer sortir de la crise !
L’Education ne joue plus son rôle d’ascenseur social, l’Ecole reproduit aujourd’hui, encore davantage, les inégalités. Malheureusement, la loi Peillon de « Refondation » n’y changera rien, car elle ne porte aucune rupture fondamentale. Gageons que si nous ne faisons rien, les assises prévues à l’automne sur l’Education Prioritaire n’arrangeront pas grand chose.
Laurence Parisot a écrit « La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? » Le gouvernement lui a répondu par l’ANI.
Les propositions sur les retraites du rapport de Yannick Moreau ressassent toujours les mêmes antiennes : prendre aux salariés et aux retraités.
Le pouvoir d’achat des travailleurs baisse, l’évasion fiscale se porte bien …
Autant de questions sur lesquelles surfe habilement l’extrême droite.
Mais, nous le savons, ce qui lui donne aussi du souffle, c’est l’atonie de la gauche (comme de ses renoncements) et des organisations syndicales.
Le 12 mai, Thierry Le Paon, nouveau secrétaire général de la CGT, déclarait qu’une mobilisation d’ampleur sur les retraites serait nécessaire, que les négociations ne pouvaient déboucher sans construction d’un rapport de force appuyé sur la mobilisation des salariés. Pourtant, la Conférence sociale s’est déroulée sans la moindre manifestation d’envergure !
Il faut que les choses changent. Il est nécessaire de combiner une mobilisation syndicale (l’appel a une première journée interpro début septembre est une bonne chose) et une campagne plus large en direction de toutes et tous avec syndicats, associations, partis, intégrant appel commun et réunions de mobilisation partout. Marchons ensemble dans cette direction. Il est temps de changer de ton et de passer à l’offensive.
Un homme est mort. Il est de notre responsabilité de se donner les moyens d’abattre ceux qui sont à l’origine de sa mort, bien au-delà de la dissolution de quelques groupes d’activistes.
L’été arrive, profitons-en pour reconstituer notre force de résistance et de lutte… Nous voulons en avoir besoin !
Elisabeth Hervouet