Les agents de la fonction publique territoriale ont été particulièrement mobilisés. A contre-courant de la propagande gouvernementale et du travail de sape de certains médias, grâce au travail d’explication des organisations syndicales.
Dans des centaines de villes, dans tous les secteurs, les collègues ont participé activement aux blocages des zones industrielles, des zones commerciales, des transports publics, des autoroutes et des routes, des gares, des dépôts de carburant, des services de gestion des ordures ménagères… Même dans des petits départements comme ceux du Limousin, en Creuse, en Haute Vienne, mais aussi dans le Cantal, des actions parfois très dures et même dangereuses ont rassemblé des centaines de manifestants. Voilà bien longtemps que nous n’avions connu un mouvement aussi puissant, aussi radicalisé, conscient des enjeux politiques de la période, éclairé s’il en était besoin par l’affaire Woerth-Bettencourt sur les collusions entre le pouvoir politique libéral et les puissances financières. Il était frappant de remarquer d’ailleurs la pertinence des pancartes qui ont fleuri dans les cortèges.Les agents de la territoriale y ont pris toute leur part. Parce qu’ils ont un salaire moyen inférieur aux autres fonctions publiques ou au secteur privé, parce que certains agents, y compris des titulaires sur des emplois à temps non-complets, sont éligibles au RSA, parce que plus de 25 % sont non titulaires, parce que 78 % relèvent des plus basses échelles de rémunération. Cette mobilisation a favorisé une prise de conscience des « enjeux de classe » ouverts par la violence des mesures antisociales que les gouvernements européens veulent nous imposer pour nous faire avaler la pilule de la crise systémique et durable du capitalisme. Les territoriaux ont été nombreux dans les réunions, les piquets de grève, à exprimer clairement qu’ils ne faisaient pas grève uniquement pour la défense des retraites mais aussi plus largement contre toute la politique antisociale du gouvernement et du patronat. Au fil des manifs, les mots d’ordre étaient de plus en plus et clairement dirigés contre le gouvernement et sa politique.
Il faut également noter l’aspect « révolte populaire » de ce que nous avons vécu. Qui était en grève reconductible ? Qui était sur les barrages ? Qui animait les cortèges ? Une majorité d’agents de catégorie C, ouvriers et employés, les collègues aux plus faibles rémunérations – constat à mettre largement au féminin, tant les femmes ont été présentes et actives dans l’animation de ce mouvement – qui triment « jeunes » et ont compris qu’ils-elles allaient payer l’addition !
Une certaine idée du service public…
Nous nous sommes battus pour défendre notre système de retraite mais aussi pour défendre nos valeurs, celles qui fondent notre engagement quotidien au sein du service public local. Le service public territorial de proximité est facteur de cohésion sociale. Il fait une large place à la redistribution sociale et territoriale à travers ses principes : continuité et accessibilité des services rendus aux usagers, égalité de traitement, péréquation tarifaire, obligation de fourniture, souci de la qualité des prestations. C’est aussi pour défendre cette conception des services publics et forts du soutien de la population que les agents territoriaux se sont engagés activement dans ce mouvement.Nous n’avons pas gagné, mais nous n’avons pas tout perdu. Même si nous avons déploré que tous les moyens n’aient pas été donnés pour espérer la victoire et si nous n’avons pas gagné sur le dossier des retraites, nous ne sommes pas défaits. Ce conflit restera comme un moment important des luttes sociales récentes.
Pour gagner dans un tel contexte, nous avions besoin d’un rapport de forces très élevé, un rapport de forces qui paralyse l’économie au point que la seule issue pour le pouvoir et le Medef soit de retirer le projet. Nous n’avons pas eu ce niveau de rapport de forces qui ne pouvait exister que par la généralisation de la grève et sa reconduction. Nous ne l’avons pas eu parce que l’intersyndicale n’a pas donné le signal suffisant attendu dans les mobilisations. Est-ce la peur de l’échec ? Le syndrome de 2003 ? Peur aussi qu’en cas de réussite ne s’ouvre un conflit social majeur qui fatalement élargirait la revendication au-delà de la seule question des retraites, provoquant la démission du gouvernement ?
Pour le SNUCLIAS, la FSU a joué un rôle positif pour tirer l’intersyndicale dans le bon sens mais là aussi nous nous sommes heurtés à d’autres stratégies qui rendaient hypothétique une possible victoire syndicale.
La bataille des retraites n’est pas close. Le haut niveau de mobilisation des territoriaux l’a démontré. Il faudra maintenir nos revendications pour les futurs rendez-vous. D’autres luttes nous attendent en particulier le dossier des agents non titulaires, la possible remise en cause des 35h, la question de la protection sociale et la défense des acquis en matière d’Assurance Maladie.