Laurent Arthur, ex infirmier Samu Social Paris, est membre
du Collectif « Urgence un toit ».
◗◗Ecole Emancipée : Qu’en est il aujourd’hui de la diffusion de la plateforme « Un chez-soi pour tous » ?
Laurent Arthur : Cette plate-forme dresse le constat de la situation et propose des actions à mettre en œuvre d’urgence pour faire face aux problèmes constatés sur le terrain.
Le gouvernement se cache derrière sa politique du « logement d’abord ». Or, cette politique d’accès au logement est un réel fiasco, le nombre de constructions et de personnes relogées étant nettement insuffisant et inférieur aux objectifs fixés par le ministère lui même !
Cette plate-forme est destinée aux forces politiques afin que le droit au logement s’incarne dans la loi et dans l’application réelle des lois qui existent afin de stopper l’exclusion grandissante dans notre société. Le logement, nécessaire et légitimement demandé, n’est plus accessible. Il s’agit de dénoncer cette réalité et d’appeler dans ce domaine à une véritable politique de lutte contre la pauvreté.
Notre dernière mobilisation nationale, les 24 heures pour le logement, le 9 décembre dernier, a rassemblé différents collectifs, associations, syndicats et personnes sans logement et une délégation a été reçue par le président du Sénat, le vice président du Conseil Economique et Social et plusieurs député PS à l’Assemblée Nationale. Cela a permis de décrire la réalité et de transmettre la plate-forme des mouvements sociaux pour le logement. Nous voulons utiliser la période électorale pour imposer un débat sur le logement comme besoin élémentaire qui en affecte d’autres : l’accès à l’emploi, l’éducation, la santé, l’appartenance à un groupe social…
◗EE : Quelles sont les actions prévues pour stopper ce mal logement et faire appliquer ces lois ?
L.A. : La misère augmente et le « mal logement » va en s’accentuant : logements sociaux toujours plus rares, comment payer un loyer sans être dépouillé de ses ressources ?
La réponse de l’Etat est plus brutale et agressive que jamais : expulsions massives avec recours plus fréquents aux forces de l’ordre. Expulsion illégale lorsque des familles sont littéralement jetées à la rue sans qu’aucune démarche sociale de mise à l’abri ne soit entamée.
La misère augmente et les prix des loyers flambent, fermant l’accès à un logement pour de nombreuses personnes sans aucune politique de contrôle des loyers.
La misère augmente et l’Etat, par la marchandisation du logement social, se désengage progressivement permettant la dérégulation des prix du marché.
Un meeting sur le logement devrait permettre, en cette année électorale, d’interpeller les forces politiques. Il est organisé le 9 janvier avec plusieurs candidats de gauche, des artistes, des syndicats, des associations et des personnes en situation de précarité au théatre du Rond Point à Paris. Notre objectif, c’est que les programmes des différents partis politiques intègrent des mesures nécessaires et urgentes sur ces questions.
Depuis le début du mouvement, notre demande est l’application des lois, ni plus, ni moins. Au vu de la réponse répressive du gouvernement face à nos demandes et nos actions, celles-ci se poursuivront. La principale volonté aujourd’hui étant d’entrer dans le débat de la présidentielle et de faire acter des mesures aux candidats.
◗EE : Quelles attitudes ont les pouvoirs publics sur ces questions ?
L.A. : Le président Sarkozy semblait avoir été ému en décembre 2006 de la situation des personnes sans domicile. Depuis, près de 1 500 personnes à la rue sont décédées sans que cela ne donne lieu à des actions concrètes ou des larmes médiatiques de sa part.
Le secrétaire d’Etat pour le logement, Benoist Aparu, a mis en place sa fameuse politique du « logement d’abord », une politique inefficace et inadaptée à la réalité comme à Paris, où les prix de l’immobilier ne permettent pas de fournir des logements pour ce type de programme. Or, c’est précisément dans ces zones « tendues » que le nombre de personnes à la rue est le plus grand !
Cette politique est la seule réponse derrière laquelle le gouvernement se cache. Niant la réalité, il est hermétique aux cris d’alarme des associations…
Ce qui fait dire à toutes les associations œuvrant dans l’exclusion et l’accès au logement que l’Etat a littéralement abandonné cette question, laissant les personnes en difficulté à la rue et les associations faire ce qu’elles peuvent avec de moins en moins de moyens et de plus en plus de demandes à traiter… Associations rejointes par le comité de suivi de la loi DALO et par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, qui déplorent durement la politique du gouvernement.
◗EE : Quel avenir pour le Samu social et les autres structures d’aide dans la conjoncture actuelle ?
L.A. : L’avenir des associations en général est sombre, mais au-delà des structures, il s’agit de l’avenir des hommes, des femmes et des enfants, confrontés à un problème de logement toujours moins accessible. A Paris, le nombre de familles à la rue est à un niveau jamais atteint qui dépasse pour la première fois celui des personnes seules.
La situation ne s’améliorera que par une prise de conscience de l’Etat et la prise en compte des besoins en matière de construction, de réquisition et de régulation des prix des logements, sans quoi aucune amélioration ne sera possible et la situation déjà explosive ne cessera de se dégrader.
Ce sont ces propositions de réquisitions et de constructions massives que la plate-forme des mouvements sociaux pour le logement soumet et qui, mises en place rapidement, doivent permettre à la fois un désengorgement des situations d’urgences et un accès de tous à des logements sociaux de qualité. ●
Propos recueillis par Hervé Heurtebize