D’après le discours de la ministre du MESRI (1) devant le Sénat ce 23
octobre, « tout va très bien, madame la Marquise ! ». Parcoursup
serait un outil au service de la démocratisation, donnerait le dernier
mot aux élèves après mûre réflexion sur leur projet d’études et aurait
donc un rôle émancipateur.
Selon la ministre, l’orientation subie disparaîtrait et l’échec se
réduirait en licence grâce aux 145000 parcours personnalisés. Notons
que ces dispositifs d’aide à la réussite sont essentiellement financés
sous forme d’appels à projet, renforçant les inégalités entre
universités puisque les financements sont attribués aux meilleurs
projets uniquement. La ministre envisage un accès prioritaire des
bachelier-es professionnel-les aux STS, via les classes
passerelles. Quelles chances auront ces bachelier-es pour poursuivre
en STS si ces passerelles ont un programme défini localement comme
c’est le cas aujourd’hui? Il est aussi envisagé un renforcement du
lien entre universités et acteurs socio-économiques pour créer des
formations professionnalisantes courtes d’une durée allant d’un à
trois ans. Va-ton dans ce contexte amener les jeunes au plus haut
niveau de qualification afin de former des citoyen-nes émancipé-es? Le
souhait du gouvernement est surtout d’aiguiller les jeunes en fonction
de la demande du patronat.
Certes le nombre de propositions dans Parcoursup 2018 a augmenté par
rapport à 2017. Mais le système n’a pas redonné la main aux élèves
comme le prétend la ministre. Certaines universités ont profité des
algorithmes locaux pour éliminer les jeunes dont elles ne voulaient
pas.
Selon les données officielles fournies au Sénat, seul-es 25000 jeunes
ont été réaffecté-es par le rectorat suite à des refus: pour une
orientation choisie ou subie? Que sont devenu-es les 120430
bachelier-es (17,8 % des 675600 reçus) qui ont quitté Parcoursup?
Ainsi que les 39500 candidat-es (bachelier-es et étudiant-es en
réorientation) déclaré-es « inactif-ves » par le Ministère. Difficile
de mesurer le degré de satisfaction suite à la suppression de la
hiérar chisation des vœux et d’un refus du Ministère,
Difficile de mesurer le degré de satisfaction suite à la suppression
de la hiérarchisation des vœux et d’un refus du Ministère, pour le
moment, de sonder le degré de satisfaction des élèves. Notons que, sur
les 17,8 % qui ont quitté Parcoursup, 87 % d’entre eux avaient eu une
réponse positive. Le verdict définitif tombera au vu du nombre de
décrocheur-euses et des réorientations à la fin de la première année
d’enseignement supérieur. Mais certains bilans d’académie sont déjà
sans appel. Selon le sénateur P. Ouzoulias, « des lycéens réunis par
le recteur de Nantes ont fait le bilan de la façon dont ils avaient
vécu Parcoursup. Ils sont très critiques, éprouvent un sentiment
d’injustice – certains ont subi de très longs délais d’attente – et
jugent la procédure opaque. Ils veulent simplement connaître les
critères de notation. » Parcoursup semble donc être une machine à
décourager.
Parcoursup, une machine à inégalités
Alors que le nombre de vœux par candidat-e était presque identique
selon le type de baccalauréat (2), le nombre moyen de propositions
d’affectation est très disparate (cf. tableau). En fin de procédure,
62,4 % des bachelier-es professionnel-les ont eu une proposition
d’affectation (incluant l’apprentissage) contre 77,9 % avec APB 2017
(3). Contrairement à ce que prétend le ministère, il y a bien eu un
renforcement des inégalités sociales.
Parcoursup entraîne aussi une fuite vers l’enseignement supérieur
privé amorcée depuis les années 1980, dont les effectifs atteignent de
nos jours 19,4 % des étudiants. Ce phénomène va probablement
s’accentuer lorsque toutes les formations reconnues par l’État auront
intégré Parcoursup (à échéance de 2020). Un-e étudiant-e dans le privé
coûte moins cher à l’État que dans le secteur public et l’État incite
depuis des années au report des dépenses sur le dos des familles par
le sous-investissement dans l’enseignement supérieur public. Cette
politique s’inscrit dans un transfert croissant des missions du public
vers le privé comme nous le voyons dans d’autres secteurs (les
hôpitaux, la poste, etc.).
INÉGALITÉS DANS PARCOURSUP SELON LE BACCALAURÉAT OBTENU | |||
TYPE DE BACCALAURÉAT | GÉNÉRAL | TECHNOLOGIQUE | PROFESSIONNEL |
Nombre de vœux par candidat-e | 7,8 | 7,7 | 5,5 |
Nombre moyen de propositions d’affectation reçues | 4,2 | 2,8 | 2,2 |
Nombre de jours moyens d’attente avant d’obtenir une proposition | 4 | 12 | 17 |
Nathalie Lebrun
1) Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de
l’Innovation.
2) Note flash SIES « Orientation dans l’enseignement supérieur : les
vœux des lycéens dans Parcoursup pour la rentrée 2018 », n°4,
mai 2018.
3) Notes flash du SIES « Propositions d’admission dans l’enseignement
supérieur et réponse des candidats pour 2017-2018 », n° 20,
novembre 2017.