La réforme du service national en 1997 a permis de transférer vers l’école la tâche de faire connaître et partager les notions indispensables de défense et de sécurité nationales. C’est en particulier aux professeur-es d’HGEMC qu’échoit cette mission, énoncée en ces termes précis sur le portail du ministère EDUSCOL. Depuis la fin des années 90, la sémantique initialement utilisée – « l’esprit de défense » – a progressivement basculé vers « la culture de la défense et de la sécurité », signe d’un renforcement de la politique menée. Derrière elle, on trouve un partenariat déployé dans chaque académie entre l’Education Nationale et le Ministère de la Défense, avec des référents IPR-IA pour les promouvoir – ce dont aucun-e ne se prive via les boîtes académiques des collègues utilisées, par exemple, pour monnayer des sorties intéressantes pour le cours d’histoire contre une présence aux cérémonies du 11 novembre.
Chaque année on constate, et ponctuellement dénonce, les dérives de ce partenariat : sujets d’examens aux énoncés verrouillés confinant à la propagande (« Montrez en quelques lignes que l’armée française est au service des valeurs de la république et de l’UE » ayant succédé de peu d’années un autre sujet vantant les vertus des interventions françaises en Afrique), ou expériences pédagogiques désastreuses conduisant à la manipulation par des élèves de fusils dans l’enceinte de leur école (Flastroff, 2015) ; les exemples se suivent et se ressemblent. A cela s’ajoute un enseignement spécifique inclus dans les programmes d’EMC qui s’est étendu et recomposé avec la réforme du collège via les EPI, ou le parcours citoyen. L’étude des guerres sous toutes leurs formes y compris les nouvelles conflictualités envahit les programmes d’histoire. On a récemment eu l’écho de mises en pratique destinées à faire « revivre » l’expérience des tranchées aux collégien-nes dont on peut interroger la pertinence.
Enseignant-es et syndicalistes, nous mesurons encore plus depuis les attentats et l’installation de l’état d’urgence permanent, l’inflation du nombre d’épisodes anxiogènes qui affectent les lieux éducatifs. La question de l’entraînement face à la menace terroriste peut faire débat au sein de notre syndicat, mais en tant qu’outil collectif de transformation sociale, il revient aux militant-es du SNES, de réaffirmer qu’il existe des alternatives à la fabrique scolaire de la peur, du militarisme et du consentement à la guerre comme horizon. Il nous incombe en effet de promouvoir une éducation à la paix, à la médiation, à la tolérance et la solidarité qui produit du « faire ensemble » – et non du « vivre ensemble » – susceptible d’offrir des perspectives aux jeunes. Le partenariat Education Nationale-Ministère de la Défense doit être dénoncé comme une instrumentalisation au seul bénéfice de l’armée, dont les actions dans le cadre éducatif d’un cours, nécessitent une étude critique. Le SNES devrait proposer une consigne syndicale claire appelant les collègues à ne pas investir les dispositifs de partenariat entre l’éducation nationale et l’armée, tout en militant pour la suppression de tels dispositifs.