Quand nous effectuons un trajet en train, contactons notre mutuelle, faisons appel à un service de dépannage ou effectuons un simple achat, nous sommes désormais presque systématiquement invité-es à remplir des enquêtes de satisfaction, à attribuer des notes. On ne compte plus les émissions télévisées à la fin desquelles nous sommes sollicité-es pour approuver ou pas telle idée, telle personnalité. Sur internet, les internautes sont invité-es à « liker » ou « unliker » pour marquer leur soutien ou pas, pour montrer qu’ils apprécient ou pas un propos, une personne, une page.
Nos élèves baignent dans la culture de l’évaluation permanente et de la concurrence, cette culture qui diffuse si bien depuis plusieurs années dans notre société qu’elle permet par exemple au gouvernement d’obtenir une forte adhésion quand il propose la rémunération au mérite dans la Fonction Publique.
Au sein de l’école, l’évaluation des élèves ne consiste plus seulement à attester d’un niveau d’acquisition de connaissances, de savoir-faire dans les disciplines enseignées mais se décentre de cet objectif pour intégrer des « compétences » qui n’ont rien à voir avec le savoir scolaire mais concernent en réalité le comportement de l’élève.
Au collège, par le biais du parcours citoyen et au lycée via la fiche avenir , « l’engagement » de l’élève a vocation à être valorisé. Compenser des résultats moyens à l’école par son engagement dans une association ou en étant délégué-e au CA, cela peut être tentant pour certain-es élèves et pas forcément en décalage dans une société où ce qui importe est d’être « populaire », de cumuler des « like » sur les réseaux sociaux.
Mais que signifie s’engager pour l’institution ? Quels engagements sont dignes d’être valorisés : tous les engagements quelles que soient les associations ou organisations choisies par l’élève ? Quel message envoie-t-on quand on considère qu’être élu-e au CVL est un élément à signaler positivement pour la poursuite d’étude d’un-e lycéen-ne ? N’invitons nous pas à considérer qu’agir en tant que citoyen-ne mérite une récompense ? N’est-il pas possible de considérer l’engagement comme altruiste ?
La prise en compte d’éléments qui relèvent de choix personnels dans le dossier scolaire brouille la frontière entre les sphères privée et publique et installe dans l’esprit de nos élèves le principe selon lequel un engagement militant doit se jauger à l’aune de la reconnaissance que peut en avoir l’institution ou l’entreprise. Elle a pour but de formater les esprits, de rendre dociles les futur-es salarié-es et citoyen-nes en les aiguillant le plus tôt possible vers les engagements reconnus comme bons et utiles pour l’ordre établi.
Le SNES-FSU doit demander l’abandon du parcours citoyen et refuser toute évaluation concernant « l’engagement » des élèves. Il doit défendre des propositions qui visent à développer les pratiques démocratiques en classe et dans les établissements scolaires qui permettront d’amener les élèves à devenir des citoyen-ne-s conscients-e-s et émancipé-e-s.
Agnès Akielewiez, Clément Lefèvre. École Émancipée