La France est riche de ses langues et de ses cultures. Il ne s’agit pas juste d’un patrimoine ou d’un folklore à préserver. Il s’agit d’une réalité sociologique qui ne devrait que croître à l’heure d’une mondialisation qui, tout en uniformisant les modes de pensée, produit d’autant plus de revendications d’identités multiples. En cela, cette réalité contredit les obsessions de centralisme et d’unilinguisme. Songeons aux langues dites régionales ou d’immigration. La diversité linguistique est un fait qui existe dans le monde depuis les origines de l’humanité. Aujourd’hui, on admet que l’on parle environ 6000 langues sur la surface du globe. Sachant que l’ONU reconnaît 197 pays, il est facile de comprendre que les pays sont multilingues. La France également même si, exception faite de la place hyper-centrale accordée à l’anglais dans l’enseignement, le monolinguisme continue d’être sa référence. Mais, la société multilingue et multiculturelle est là, notamment parce que les phénomènes migratoires s’accélèrent (économie, climat, guerres…), et sera, malgré les tentatives désespérées de certain.e.s, la base des sociétés de demain. La mondialisation entraîne des contacts, une communication et une coopération par des groupes multilingues qui exigent des compétences plurilingues individuelles. Le syndicat doit prendre à bras le corps ces questions car elles touchent les collègues dans leurs pratiques professionnelles : comment mieux intégrer les élèves allophones ? comment syndiquer mieux leurs enseignant.e.s ? comment articuler les collectifs de soutien aux enfants Sans Papiers, Sans Toit, migrants avec l’action syndicale ? Comment intégrer la question du multilinguisme et multiculturalisme aux enseignements ? Quelle formation à quelle citoyenneté ? Faut-il traiter de l’énergie, la santé, les transports ou le climat en intégrant la géographie, l’histoire, la chimie ? Etc. Quoi qu’en disent certains discours politiques, religieux ou pseudo-scientifiques, la diversité n’est pas signe de marginalité dans la République, ce serait pervertir la notion même d’humanité que de refuser la singularité. Dans une vision constructiviste des choses, nous devons reconnaître la grande variation possible des identités et nous poser la question de comment la rendre possible dans un État de droits. Cela implique donc que le syndicat investisse aussi de nouveaux territoires, au-delà des champs traditionnels de la profession, et questionne ces derniers, car l’École et ses agents ne sont pas endehors de la société : ils changent, au fur et à mesure que la société change. Quant est-il de notre « offre syndicale » ? Pourquoi les questions de « société » resteraient-elles encore longtemps séparées des questions d’enseignement ? Le thème 3, qui reflète les évolutions et les enjeux de la société contemporaine, doit désormais prendre toute sa place dans nos pratiques et actions syndicales. Le SNES-FSU doit ouvrir ses portes à d’autres débats, sans quoi il risque de s’éloigner de la réalité sociale, diverse et complexe. Nous enseignons et éduquons pour changer la société. Montrons-le plus clairement !
Marc Rollin (militant de l’École Émancipée)