Que faire après le succès du 7 ? Comment « les faire reculer » ? Telles sont les questions posées à une échelle de masse depuis quelques jours… qui interrogent les stratégies syndicales !
Autant, jusqu’en juin, dominait le sentiment qu’« on n’y arriverait pas », renvoyant à la puissance du bulldozer sarkozyste depuis mai 2007, autant depuis la bonne surprise du 24 juin, confirmée et amplifiée par les millions de manifestants du 7 septembre, s’est installé le sentiment que « peut être qu’on peut l’amener à reculer »….Entre temps sont passés par là la gestion de la crise des déficits publics dans l’UE et l’affaire Woerth-Bettencourt où tout le monde a vu et l’existence de dizaines de milliards d’euros disponibles et la connivence entre riches et politiques au pouvoir… Tout cela au moment où l’on proclame la nécessité d’une « réforme indispensable » des retraites pour combler un trou supposé de 70 milliards d’euros en 2030 et où il apparaît clairement que le projet de loi frappera notamment les plus démunis…
Pour Sarkozy, il y a deux nécessités à ne pas paraître céder jusque là sur les retraites : une raison « économique » car il lui faut afficher une réduction des déficits publics pour les agences de notation et l’UE ; une raison « politique » car il veut montrer à son électorat de droite (et plus…) qu’il est capable d’en imposer face aux mobilisations populaires, 2012 n’étant plus loin.
Et pourtant, ils sont affaiblis… et de plus en plus avec la montée de la mobilisation ! Depuis la publication des avant-projets de réforme en avril dernier, la côte du gouvernement est allée en reculant sur cette question. L’opinion est très majoritairement opposée aux projets et soutient de plus en plus majoritairement la nécessité des mobilisations… Derrière une unité de façade, la droite se divise. Sans doute la raison pour laquelle Sarkozy veut passer en force le plus vite possible.
Oui, il est possible de gagner, à condition de s’en donner les moyens ! Et c’est un débat qui traverse maintenant les équipes syndicales. On discute de plus en plus de « reconduction », de « grèves reconductibles », de « grève générale »… Des appels départementaux sortent en ce moment avec ces idées.
**Deux atouts…
Une des forces du mouvement jusque là, c’est l’unité syndicale. L’intersyndicale nationale a réussi à « tenir » jusqu’au 7 malgré des désaccords évidents sur les solutions à apporter au problème des retraites. Cette unité est même allée en se renforçant avec la montée de la mobilisation à chaque initiative nationale prise en réaction au calendrier gouvernemental (23/03, 27/05, 24/06, 07/09). La dureté du projet gouvernemental, l’intransigeance de Sarkozy ont fermé la porte à des syndicats comme la CGC, l’UNSA, la CFTC, la CFDT qui espéraient des « ouvertures ». La direction de la CFDT n’a pas envie de s’embarquer dans un schéma à la 2003 où elle a laissé trop de plumes après sa trahison même si son projet de fond reste d’« accompagner » la gestion du capitalisme. Comme le dit Jean Marie Pernot dans une interview au Monde, sa direction « joue déjà le coup d’après avec un scénario d’alternance devenu “travaillable” ». Une volonté donc de rester dans l’intersyndicale en cherchant cependant à éviter d’éventuels « débordements », en connivence avec la direction de la CGT.L’autre force, c’est la dynamique interprofessionnelle, presque justifiée par le gouvernement qui s’attaque sur ce dossier à tout le monde, privé comme public… Pourtant, les fonctionnaires sont particulièrement touchés. Mais il existe la conscience qu’un recul n’est possible que si tout le monde s’y met et joue « collectif ».
Forces du mouvement jusque là, ces deux questions peuvent aussi en devenir la faiblesse à l’heure du dénouement… Au nom de l’unité et de la nécessité de mobiliser les salariés du privé difficiles à toucher, on peut trop temporiser devant l’obstacle à franchir. Car il est clair que si Sarkozy est intransigeant, il faut lui opposer une intransigeance syndicale qui passe par une confrontation majeure avec lui. Cela signifie se donner les moyens de passer à une étape supérieure en paralysant le pays, tout en faisant reposer la responsabilité de cette paralysie, aux yeux de l’opinion, sur le pouvoir autiste… Ce qui s’était passé en 1995 (déjà les retraites…) et en 2006 sur le CPE ! Grèves reconductibles dans des secteurs « stratégiques », blocages de masse (les entrées des villes par exemple…), occupations durables de lieux publics, lancement d’une « vraie » grève générale font partie de la « panoplie » à mettre en œuvre aujourd’hui. Et ce avant la fin de la discussion parlementaire.
**Reconduire les grèves… vers la grève générale !
Il est clair que les deux principales confédérations ne veulent pas se laisser embarquer là dedans. Sans doute pour les mêmes raisons qui tiennent à la croyance qu’une « alternance » en 2012 leur sera plus profitable pour développer (enfin) un syndicalisme d’accompagnement qui n’apparaisse pas trop comme une reniement… Leur refus de la revendication de « retrait de la réforme » (même si l’absence de ce mot d’ordre clair n’a pas empêché l’unité syndicale) est cependant révélatrice de cette forme de « responsabilité partagée ». Elles savent aussi qu’elles ont beaucoup à perdre si les salariés pensent qu’elles laissent passer une défaite majeure sans combattre.La CGT est celle qui est le plus traversée pas ces contradictions. De nombreux syndicats y développent une orientation qui critique la « non orientation » de la confédération et proposent de lancer une logique de reconduction des grèves après le 23 septembre.
Le fait de ne pas avoir réussi à proposer une échéance rapide de rebond après le 7, comme proposé par FSU et Solidaires (ce qui devait être le mandat de la CGT apprend-on aujourd’hui !), en donnant une impression de « trou d’air » après la logique montante autour du 7, représente un risque d’un signal donné à une échelle large : on n’embraye pas tout de suite, on diffère à plus tard pour ne pas faire plus…
Raison de plus, parce que la mobilisation doit malgré tout s’amplifier, pour occuper le terrain avant le 23 en préparant, indépendamment des consignes syndicales d’en haut, cet affrontement majeur et nécessaire. Oui c’est la grève générale qu’il faut mettre partout à l’ordre du jour en prenant des dispositions afin de convaincre et de s’organiser pour des reconductions de grèves ! Maintenons l’unité en l’enserrant dans les bras de la pression populaire et de la combativité des salariés ! Le 12 septembre.