Vrai serpent de mer ou faux débat, la question des rythmes scolaires est en tout cas piégée.
En premier lieu parce qu’on ne la pose, de façon centrale, que pour le premier degré.
Ensuite parce qu’on voudrait régler l’ensemble des problèmes de temps de l’enfant par la seule entrée du scolaire. Et enfin parce qu’elle fait l’impasse sur le temps de service des enseignants des écoles.
Après la « consultation » Chatel, le nouveau gouvernement a décidé de faire des rythmes une priorité. Mais, avant toute concertation, il annonce la fin de la semaine de 4 jours dans le primaire et parle de redéfinir le rythme de l’année, en raccourcissant les vacances d’été. Le problème, c’est qu’il n’est à aucun moment question ni d’une revalorisation des enseignants, ni de créations massives de postes. S’il s’agit d’une urgence pour la refondation de l’école, il ne faudra pas en rester à des mesures consensuelles qui ne satisferont réellement personne dans le but de ne pas froisser les acteurs économiques, voire religieux…
Du côté des enseignants
Dans le 2nd degré, l’amplitude de la semaine des élèves n’a que peu à voir avec l’emploi du temps des professeurs, le seul accroc à leurs conditions de travail serait donc un allongement, sans compensation, de l’année scolaire.
Dans le 1er degré, par contre, la semaine de quatre jours a apporté un gain de temps libre : un vouiquende de 2 jours ! Mais elle a alourdi la journée de travail et son amplitude…
Un enseignant des écoles a une obligation de service de 27h hebdomadaires, dont 24h en classe et 108h annuelles : 60h pour l’aide personnalisée (AP) et 48h réservées aux réunions diverses. En plus, il faut y ajouter la présence dans l’école 10 minutes avant le début des classes. Ce qui donne une journée de travail de 6h50 (accueil + classe + aide personnalisée) pour une amplitude quotidienne entre 9h20 et 9h50.
La semaine type commence donc le lundi matin et se termine le vendredi soir, le mercredi étant dédié en partie aux six « animations pédagogiques » de 3h et autres réunions qui, si elles n’ont pas lieu le mercredi, viennent encore alourdir la journée décrite plus haut ! Le retour strict aux 4 jours et demi sans autres mesures ne ferait qu’ajouter une demi-journée de classe à ce marathon hebdomadaire… Pendant 38 semaines au lieu de 36… ça fait rêver !
Du côté des élèves et…
des enfants
Journée trop longue, rythme « 7 semaines de classe / 2 semaines de vacances » inexistant pour cause de zonage, semaine irrégulière… Sans compter qu’avec l’introduction de l’AP, ce sont les élèves les plus en souffrance à l’école qui y restent le plus longtemps. Ce sont aussi ceux qu’on invite à rogner leurs vacances d’une ou deux semaines pour des « stages de remise à niveau » ! Tout le monde ou presque s’accorde sur le diagnostic et les pistes à suivre pour favoriser de meilleurs apprentissages : raccourcir la journée, maintenir le rythme des petites vacances sans zonage et régulariser la semaine.
Mais les enfants ne sont pas hors de la société, ils vivent dans leur famille dont beaucoup ont des revenus limités. La demande des parents par rapport à l’école n’est plus seulement « instruction et éducation », mais aussi garde à faible coût… Enfin, les commerçants de tous poils, en particulier les professionnels du tourisme, ne souhaitent pas voir se désagréger une année scolaire dans laquelle les périodes sans classe sont quasiment plus nombreuses que les périodes sans vacances !
Comparons maintenant le temps passé à l’école par les élèves. Il est de 759 à 886 heures selon l’âge en moyenne dans les pays de l’OCDE contre 864 à 902 heures en France. Et le temps de travail des enseignants du 1er degré devant élèves est de 786 heures en moyenne (OCDE) pour 864 (France). Ce sont peut-être aussi des données à prendre en compte ? Pour se mouiller un peu, pourquoi ne pas imaginer une année scolaire de 7 semaines d’école alternant avec 2 semaines de vacances (sans zone, ni conventions religieuses), de vraies vacances d’été (juillet et août) permettant aux enfants de découvrir le monde autrement, avec leur famille et/ou les associations complémentaires voire seuls (enfin !), et une semaine de 5 jours avec cinq heures de classe par jour… et pour les enseignants, 4 jours soit 20 heures (pour le 1er degré, on se rapproche de l’égalité !)
Pour ça, il faut créer 20 % de postes devant classe en plus… pas raisonnable ?
Jérôme Falicon