Jeudi 27 octobre 2010, 16ème jour de grève à la raffinerie de Grandpuits. L’unité syndicale CGT-CFDT et la détermination des salariés restent intactes, derrière une CGT très majoritaire (80 % des syndiqués de la production). Sur les 160 travailleurs en 3×8 à même de relancer la raffinerie, 157 répondent à l’appel des 3 A.G. quotidiennes. Ayant démarré le conflit à 158, on peut considérer avec Franck Manchon « qu’il n’y a pas [eu] de perte en ligne » à Grandpuits en 15 jours de reconduction.…
**Unité, solidarité, détermination
Tous les ingrédients étaient présents à Grandpuits pour réussir cette lutte, exemplaire à plus d’un titre.Mais comme tient à le rappeler la CGT, un gros travail militant avait d’abord été réalisé en amont : « Il faut expliquer ce qu’on veut, où on va, et pourquoi on y va. Une fois que ce travail de terrain est fait (car c’est très clairement du travail de terrain, de proximité), une fois que tous les salariés ont toutes les données, je pense qu’on n’a plus aucun souci à faire partager la lutte. »
La direction de chez Total y est allée aussi, au passage, de son petit coup de main au mouvement. La volonté initiale des salariés en 3×8 était de ne débrayer que ponctuellement, 24 ou 48h. Pensant exercer une pression dissuasive, la direction a brandi la menace de l’arrêt de ses 6 raffineries, procédure extrêmement dangereuse, éprouvante et redoutée par les salariés. Que n’avait-elle sous-estimé le potentiel de radicalisation ?
**Pression de l’État policier,ou intoxication médiatique…
Rien n’a été en mesure d’entamer la détermination des grévistes de Grandpuits.Ensuite, en cours de mouvement, il y a eu cette charge des forces de l’ordre pour tenter de les déloger, puis les réquisitions de personnels grévistes exigées par l’État (mais rejetées une première fois par le tribunal de Melun…), qui n’ont fait qu’augmenter leur colère et renforcer leur détermination. Chacun se souvient des images de la cérémonie d’enterrement de la démocratie et du droit de grève orchestrée en grandes pompes par les grévistes du site en réponse aux charges policières et aux réquisitions…
Enfin, c’était aux médias de venir jeter de l’huile sur le feu de la colère. Il était inacceptable pour les grévistes des différentes raffineries de France d’entendre que « 3 raffineries [avaient] suspendu le mouvement et [allaient] reprendre leur activité » ! Car la réalité était bien différente. Le mouvement à la raffinerie de Reichstett (Bas-Rhin) avait été suspendu en échange de la garantie du groupe Petroplus de ne plus fermer le site, et donc de sauvegarder 253 emplois ainsi menacés. Alimentée en pétrole brut par un pipeline qui vient du port pétrolier de Fos-sur-Mer toujours en grève, la raffinerie ne risquait pas de redémarrer… Concernant les deux autres raffineries du groupe Exon, à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et à Port-Jérôme (Seine-Maritime), elles venaient de suspendre le mouvement après s’être vues proposer le paiement intégral des jours de grève ! Mais là encore, tout redémarrage restait impossible : la première ne pouvant être alimentée par le terminal de Fos à l’arrêt ; la seconde, par l’entreprise SIM dont les salariés continuaient également d’être en grève sans rien lâcher ! Tout en oubliant, au passage, qu’une raffinerie met 15 jours à redémarrer dans le meilleur des cas, et que les 9 autres raffineries restaient plus que jamais à l’arrêt…
**Un soutien déterminant
Et au 16ème jour de grève, les gendarmes, toujours très présents aux abords du site, ne sont toujours pas en capacité d’empêcher les délégations arrivant au compte-goutte de rejoindre le piquet de grève. Car le rapport de force est définitivement du côté des grévistes et de leurs nombreux soutiens.Grandpuits, comme beaucoup d’autres raffineries, continue de recevoir des soutiens « en quantité industrielle » : des délégations syndicales, lycéennes et citoyennes affluent quotidiennement de toute la région parisienne ; des lettres de soutiens arrivent de France, mais aussi de l’étranger ; des soutiens logistiques réguliers permettent de tenir le siège et d’alimenter la cantine ; et les dons d’argent sont très conséquents. La caisse de solidarité se voit même alimentée anonymement par certains cadres de la boîte…
Un soutien au-delà de toute espérance, qui ne semble pas être étranger à la position de force dans laquelle se trouve le piquet de grève à chaque instant, ainsi qu’à l’échec des offensives du pouvoir – charges policières, réquisitions, intoxication médiatique – qui ne sont, à ce jour, toujours pas parvenues à mater la rébellion et reprendre la citadelle. Le 28 octobre 2010.