Comme chaque année à la mi-août, Aurillac a été, le temps d’une petite semaine, la capitale incontestée du théâtre de rue. Moins couru que celui d’Avignon, ce festival est incontestablement plus populaire. Le théâtre de rue recouvre de nombreuses pratiques allant du cirque (« nouveau » de préférence) aux déambulatoires, spectacles de marionnettes, mimes, jongleries en tout genre, voire danses… C’est dire la richesse d’un rendez-vous où sont proposés chaque jour plusieurs centaines de spectacles qui ne coûtent la plupart du temps au public que ce qu’il veut bien donner dans le traditionnel chapeau.
On peut aussi y voir du théâtre traditionnel, voire classique. Cette année, il était possible d’assister à une représentation du Cid de Corneille faite par une troupe de jeunes passionnés, la Compagnie Tout le monde dehors !, qui se sont mis en tête de faire revivre dans la rue le théâtre classique et de l’ouvrir à un large public. De fait, la sobriété de la mise en scène, alliée à la vitesse et la puissance du jeu et de narration, font de ce Cid side B, mis en abîme par quelques apartés ajoutés et jeux avec le public, pourtant basé sur le texte original, un spectacle étonnamment moderne et accessible.
Dans le même ordre d’idée, la Compagnie Gérard Gérard a fait une très pertinente adaptation de la pièce de Shakespeare, Roméo et Juliette. Le spectacle s’ouvre sur un bal organisé par les Capulet et auquel le public est invité. Une hôtesse nous accueille gentillement et le vieux Capulet circule parmi le public offrant à boire et feignant de reconnaître telle connaissance… Sans qu’on y prenne garde, le spectacle a commencé et on est littéralement entraîné à l’intérieur.
Parmi des centaines d’autres, ces deux exemples montrent à quel point le théâtre de rue participe pleinement à la vivacité et au renouvellement du spectacle vivant et peut tenir lieu de porte d’entrée à un monde, celui du théâtre, qui est aujourd’hui bien éloigné de la culture populaire.
Par définition plus directement en prise sur le public de la rue, ce théâtre porte aussi plus volontiers sans doute ses préoccupations. Etre à Aurillac, c’est aussi d’une certaine façon sentir l’air du temps. Et cette année, c’étaient bien les échos de la crise que l’on entendait le plus fort, à l’image du grandiose spectacle que Métalovoice a joué sur l’une des plus grandes places de la ville. Accompagnée d’un orchestre philharmonique, la troupe s’est livrée à une évocation grandiose du travail industriel et des conséquences sociales de sa disparition avec force percussions sur tuyaux fumants rappelant les cheminées d’usine.
Aurillac fonctionnant comme une vitrine, nombre de spectacles joués seront visibles les mois suivants ici où là, à l’occasion de festivités organisées par les collectivités territoriales, dans des structures diverses ou tout simplement dans la rue, sollicitant la générosité du public pour vivre et continuer à produire. ●
Stéphane Moulain