Plusieurs interventions ont dit la crainte que nous avions, en tant que syndicalistes, de voir la rentrée se préparer dans les établissements, compte-tenu de la situation sanitaire bien entendu, mais aussi en raison d’une autre épidémie, celle de la manière dont les chef-fes d’établissement « managent » les équipes. Nous craignons ce que nous appelons « le renvoi au local », parce que nous n’avons pas confiance dans les chef-fes d’établissement pour organiser les choses de manière vraiment démocratique, respectueuse des ORS et mettant les apprentissages au premier plan. Ce n’est pas un problème d’individus dont certains seraient déviants, même s’il y en a, mais un problème systémique, institutionnel. Le SNES-FSU, syndicat majoritaire dans le second degré, doit se saisir de ce véritable problème, et proposer à la fédération une réflexion sur le statut et les missions de ces personnels dans la perspective de leur refonte totale au profit des collectifs de travail, pour construire l’École d’après. En effet, avec l’importation des méthodes noé-managériales dans le premier degré par la création d’un statut ou d’une mission de directeur·trice d’école, prétendument pour faciliter le travail des collègues et alléger leurs souffrances, le remède risque d’être pire que le mal.
Les difficultés que nous rencontrons avec les hiérarchies locales sont encore accentuées depuis que Blanquer a été nommé ministre, car le management brutal, autoritaire, et verticalo-descendant, c’est sa manière de concevoir la direction de l’Education Nationale comme, d’ailleurs, le rectorat de Créteil à l’époque. Plus personne n’en peut plus, même les chef-fes d’établissement, dont le très puissant syndicat majoritaire organise une « journée morte » le jeudi 25. Pour nous, il faut que le SNES-FSU pose la démission du ministre comme une hypothèse de travail pour Macron (à défaut d’avoir connaissance des hypothèses de travail du ministère concernant la rentrée de septembre). Je n’ai rien de personnel contre le ministre (ni d’ailleurs contre les chef-fes d’établissement ou les corps d’inspection dontje revendique leur suppression), même si, à titre personnel, je me sens solidaire avec sa future ex-épouse.
Mais comme plusieurs interventions l’ont souligné, il incarne une politique assumée par Macron et tout le gouvernement. Il l’incarne de manière particulièrement personnalisée, en témoigne la loi de programmation qui porte désormais son nom. Comme l’a dit Marc de Rouen, c’est un symbole. Plusieurs CA académiques ont trouvé des formules de compromis, comme ne pas employer le terme de démission, ou le formuler sous forme de question. Rappelons que par la passé, le SNES a mis les collègues dans la rue pour demander la démission de Claude Allègre : pour les plus jeunes d’entre nous, Blanquer, c’est le nouvel Allègre !
Ce n’est pas parce que tout le gouvernement est un danger pour les organisations syndicales que cela nous empêche de demander la démission de l’un des membres du gouvernement. Il est la voix de son maître, l’élève lèche-botte qui veut se faire bien voir. Si on obtenait sa démission, cela mettrait un sacré coup à cette politique que nous dénonçons par ailleurs, car oui, cela déstabiliserait le gouvernement : n’est pas cela que nous cherchons à faire ? Pour ce qui est de nos revendications, nous arriverions en position de force à la table des négociations !
Et puis, surtout, il s’agit tout simplement d’un mot d’ordre attendu par les collègues. Et ne sommes-nous pas le syndicat majoritaire dans le 2nd degré ? Le fait que Blanquer soit très impopulaire, comme l’a rappelé Mathieu, doit nous rassurer : si nous perdons, c’est au premier ministre et à Macron que tout le monde en voudra !
En tout cas, tant qu’il est là, nous allons devoir réfléchir à la manière d’aborder la « grande consultation » que Blanquer dit avoir engagée « pour réfléchir à cette façon d’organiser à la rentrée de septembre pour que, évidemment, tous les élèves puissent aller à l’école ». Nous sommes toutes et tous d’accord, cette consultation est toute cosmétique, elle est menée au pas de charge, et les axes de « discussion » permettent au ministre de dérouler des « propositions » qui de fait deviennent des conclusions déjà tirées. Cela sera probablement le cas des états généraux du numérique. Il faut faire apparaître ces consultations pour ce qu’elles sont : des mascarades, comme Frédérique l’a dit dans son intervention, permettant à Blanquer de dérouler ses réformes. Le ministre n’a aucune volonté de tenir compte de ce que disent les personnels, sauf lorsque cela va dans son sens. Il faut en profiter pour mener une campagne médiatique et en direction des parents d’élèves pour dérouler le projet du SNES-FSU.
Sur ce point, il nous semble qu’il faut insister sur nos objectifs de démocratisation scolaire et de culture commune ambitieuse, qui sont à l’opposé de la politique éducative de Blanquer, qui accentue les inégalités et vise à fabriquer une école à plusieurs vitesses. Si nous voulons répondre à la situation inédite dans laquelle nous nous trouvons, de cohortes entières d’élèves pour lesquel-les l’école au sens où nous l’entendons s’est terminée le 13 mars, et ne reprendra au mieux que le 1er septembre 2020, il faut des moyens : pour des groupes, des recrutements massifs, mais il ne faut pas oublier que les réformes éducatives de ces vingt dernières années se sont à chaque fois soldées par une diminution du temps scolaire et/ou des heures d’enseignement. Ces heures, qui vont manquer cruellement à partir de la rentrée prochaine, doivent être rendues aux élèves, et cela peut être un mot d’ordre qui permettra de mettre les usagers de notre côté.
Par ailleurs, il faut insister sur le fait que le protocole sanitaire ne serait pas incompatible avec l’obligation scolaire, ni avec la cohérence et l’efficacité pédagogique, si les moyens (en enseignant-es, en agents, en locaux…) étaient là.
C’est ce type de préparation de rentrée, centrée sur la qualité du service public d’éducation, SP mis sur le devant de la scène lors de la crise sanitaire, que nous devons imposer. Il y a urgence, car le ministre écarte les organisations syndicales notamment, mais les usagers aussi, de la réflexion autour de cette préparation : le ministère a bien des hypothèses, ce qui nous oblige à essayer de les deviner, mais il communique au compte-goutte dessus, de telle sorte de pouvoir garder la main.
A nous de la reprendre !