Article publié dans la revue n°97
La rentrée sociale ne peut s’envisager comme d’habitude pour le syndicalisme avec une urgence sociale qui percute l’urgence écologique et un pouvoir figé dans le libéralisme.
Grève interpro le 29 septembre mais également construction de convergences avec les forces politiques et associatives.
Peu après des élections législatives bouleversant le paysage politique, la rentrée sociale se déroule sous le signe d’une double urgence, écologique et sociale. Tout d’abord, répondre à la vive urgence sociale suite à la forte inflation touchant très durement les classes populaires à travers notamment l’envolée des prix de l’alimentation et de l’énergie. Cela appuie et démontre, si besoin, la nécessité d’une augmentation massive des salaires et des minimas sociaux pour permettre à l’ensemble de la population de vivre dignement. Pour le moment, ce sont globalement les salarié·es, les chômeurs.euses les retraité·es, les précaires et les étudiant·es… qui paient le coût de l’inflation en subissant une diminution de leurs revenus réels, tandis que les profits des entreprises s’envolent, comme l’illustre le record atteint par les dividendes de celles du CAC 40. Imposer une profonde réforme fiscale pour partager les richesses est bien un des enjeux forts de la rentrée, illustré notamment à travers le débat autour d’une taxe sur les superprofits.
Écologie et social dans un même élan
Ensuite, tout au long de l’été, les conséquences de la sécheresse ont illustré l’urgence climatique et donc la nécessité de rompre radicalement avec le modèle de société productiviste actuel. Une urgence qui résonne avec la première tant les liens sont ténus entre fin du monde et fin du mois. Il s’agit bien d’avancer vers le droit de toutes et tous à une existence digne dans un monde écologiquement viable et socialement juste. Pas vraiment une simple affaire de « pouvoir d’achat » pour assouvir une surconsommation frénétique… De quoi bousculer le mouvement syndical pour qui il devient indispensable de s’emparer des deux dimensions, sociale et écologique, dans un même élan.
De son côté, et sans surprises, le gouvernement apporte, au mieux, des réponses très parcellaires, inadaptées et libérales à cette double urgence.
La loi votée cet été poursuit la politique des petits chèques et des aides non ciblées socialement pour contenir les prix de l’énergie, tout en refusant à la fois une hausse généralisée des salaires et toute idée de taxation des profits. L’écologie se limite aux petits gestes et à une responsabilisation individuelle, bien davantage guidés par la pénurie à venir de gaz que par la nécessité d’une bifurcation.
Le pouvoir institue à dessein une confusion entre « fin de l’abondance » et austérité pour tenter de faire passer cette dernière comme incontournable et éluder ainsi toute visée vers une sobriété partagée fondée sur le principe de justice. Le gouvernement lance ainsi dès à présent une nouvelle réforme de l’assurance-chômage qui diminue encore les droits des sans-emploi, il entend poursuivre la libéralisation des services publics et notamment de l’école, gesticule autour d’un nouvel objet communicationnel avec le conseil national de la refondation et projette toujours un recul de l’âge de départ en retraite dès l’été prochain…
Le 29 septembre et après
Face à l’indigence qui frappe et aux régressions qui s’ajoutent, les tâches qui incombent au mouvement syndical sont d’importance. Une date de mobilisation interprofessionnelle est, dès à présent, posée avec la grève du 29 septembre. La grève réussie de la SNCF au début de l’été est un point d’appui, notamment pour l’éducation ou la santé qui sont confrontées au même schéma dévastateur d’un déclassement professionnel bien plus large que la seule question salariale conduisant à une forte crise de recrutement.
Et comme l’urgence climatique percute l’urgence sociale, la nécessité d’une profonde bifurcation écologique oblige le syndicalisme, et plus largement le mouvement social, à construire des mobilisations permettant une large convergence autour de cette double urgence. C’est le sens des échanges entre les organisations syndicales (CGT, FSU, Solidaires, Confédération paysanne et Unef), des associations (Attac, Oxfam…) et de partis politiques. Pour le moment, l’organisation de manifestations communes mi-octobre n’a pu aboutir. Néanmoins, toutes les organisations s’accordent sur la nécessité de poursuivre cette coordination inédite pour débattre, analyser et construire ensemble dans la durée un processus de mobilisation face à la politique sociale et climatique menée par ce gouvernement.
Cette double urgence impose au mouvement social de revisiter son rapport au politique sans rien enlever à son indépendance.
Au-delà de la grève du 29 septembre et de mobilisations larges à construire pour l’urgence sociale et écologique, il s’agit d’ores et déjà pour le syndicalisme d’oser se projeter sur la façon de poursuivre en menant une campagne au long cours pour gagner. En surmontant à la fois les difficultés liées à l’exacerbation de la concurrence syndicale pendant la période d’élections professionnelles dans la fonction publique et celles découlant d’une co-construction de mobilisations peu habituelles avec des forces politiques. Une campagne complexe et compliquée mais indispensable. ●
Arnaud Malaisé