Par Marc Rollin (BN, Lyon)
Les macronistes avaient sans doute misé sur la « lassitude » ou la division des Français face aux méchant·e·s grévistes qui empêchent les gens d’aller au travail ou sur le mépris des syndicats mais c’est raté : la mobilisation d’hier montre l’ampleur du mécontentement face à leur projet de réforme des retraites et les sondages indiquent que l’opinion est majoritairement défavorable à la régression sociale qu’elle représente.
Ils comptent sans doute maintenant sur l’affaiblissement du débat public en faisant en sorte que le travail soit rapide au Parlement et sur le début des vacances scolaires, mais la réponse de l’intersyndicale, avec deux dates, les 7 et le 11 février prochains, doit leur compliquer la tâche et les faire reculer sur une réforme aussi idiote qu’injuste. Le 8 mars devra aussi être l’occasion de mettre la focale sur les inégalités concernant les femmes, sur les retraites et le reste. Ce sont les modalités pour rendre ces mobilisations fortes qui devront être au coeur de nos échanges cet après-midi. Je ne les développe donc pas maintenant pour aborder d’autres points d’actualité.
Force est de constater que les macronistes agissent de même sur les questions éducatives, en usant de discours qui opposent. Ils essaient de diviser les collègues, entre celles et ceux qui innoveraient et les autres, ce qui est assez drôle, ou plutôt ridicule, quand le ministère n’a de cesse de parler des « fondamentaux ». Ils essaient d’avancer vite sur le « pacte », sur ce nouveau contrat qui n’est plus social, passé entre la Nation et sa jeunesse, mais individuel, passé entre un·e salarié·e et son employeur. Ils méprisent les organisations syndicales quand on voit la pseudo revalorisation prévue qui ne s’accompagnera d’aucune amélioration des conditions de travail.
C’est simple : la notion de dialogue n’existe pas. Pyramidale, verticale, la parole devient dogme. Les discours rétrogrades sur la dictée en sont un parfait exemple. Et que dire de celui de la première dame sur l’uniforme ? Serré lui-même dans son costume, le ministre doit commencer à se rendre compte qu’en Macronie, la nuance n’existe pas.
Ainsi, en va-t-il de la fin de la technologie en Sixième. Du jour au lendemain, le ministère a décidé unilatéralement que cette discipline n’avait plus d’intérêt pour les élèves. Mépris et violence institutionnels ne riment pas avec recrutement et revalorisation de la profession. Ravalorisation que nous devons faire entendre, dans l’opinion, comme redonner de la valeur à nos métiers, en plus d’accorder des salaires décents aux personnels.
Mais cela ne se fera pas sans poser la question du sens donné à l’Ecole et aux apprentissages. Or, les épreuves de Spécialité au lycée – dont l’aberration pédagogique mérite une dénonciation aussi radicale que celle menée sur les E3C – sont comme la multiplication des certifications au collège : on occupe, on agite, on fait croire, on génère du stress. Tout cela pour que les élèves n’entrent pas vraiment dans les apprentissages et pour que les enseignant·e·s ne trouvent pas vraiment de sens à ce qu’ils et elles font. Tout ce neo-management, maintes fois dénoncé, doit dorénavant être combattu. Pour cela, une réflexion syndicale doit être menée car redonner du sens à l’action syndicale, c’est reprendre la main sur nos métiers et sur notre travail. Des actions concrètes et locales doivent être réfléchies : refus de tâches, motions et autres outils sont nécessaires pour reprendre avec chaque nouvelle génération d’élèves et de parents le travail d’argumentation pour montrer que les réformes du collège et du lycée ne peuvent pas fonctionner et se font au détriment des élèves.
Par ailleurs, parce que l’École est dans la société, nous devons soutenir les actions solidaires qui dénoncent la situation en Ukraine, en Iran ouau Pérou et prendre à bras le corps les questions climatiques et d’extrême-droite car les extrémistes et autres racistes qui menacent des projets de collègues ne s’embarrassent pas de principes républicains pour les traîner dans la boue. Le modèle de société promu par certains groupes, auxÉtats-Unis, au Brésil, en Israël, en Italie mais aussi en France, doit nous inquiéter, le « néofascisme » se nourrissant de chaque recul économique et social.
En ce sens, nous devons poursuivre le travail unitaire engagé avec certaines organisations syndicales, sans se couper d’un échange nécessaire avec la gauche politique et associative, par exemple, sur la question des retraites, mais aussi, de manière générale, sur celle de services publics de qualité. La pétition pour taxer les superprofits acquiert d’ailleurs toute sa signification dans le contexte de mobilisations contre la réforme des retraites.
Enfin, pour que l’an prochain, le gouvernement ne fasse pas encore semblant de déplorer les écarts de composition et de réussite d’un établissement scolaire à l’autre, notamment selon s’il est public ou privé, nous devrions suggérer au ministère qui se préoccupe beaucoup de PISA qu’il serait bien avisé d’anticiper le constat que dressera probablement l’enquête, à savoir le lien trop fort entre origine sociale et réussite scolaire en France, en agissant mais peut-être que, dans le fond, le sort des élèves des milieux populaires n’intéresse guère les cercles que la Macronie incarne.
Ainsi, les suppressions de postes à venir, qui ne permettront pas de réduire la taille des effectifs par classe ni d’améliorer les conditions d’enseignement-apprentissage, sont à mettre en regard du budget accordé à la défense.
Des choix politiques très forts sont en train d’être faits dans ce second quinquennat de Macron. Nos réponses et dénonciations doivent être à la hauteur de la dérive régalienne et autoritaire qui est en marche. C’est le sens de la contribution que nous avons écrite et que vous avez reçue.