À peine la période de signature terminée, par la voix de Valls,
le gouvernement a fait connaître sa décision d’appliquer les mesures
de PPCR. Et ce, alors qu’une fois connues les décisions de refus
de signature de FO, de Solidaires et de la CGT, le protocole ne pouvait recueillir les 50 % de voix de représentativité nécessaires à sa validation. Retour sur une certaine conception du « dialogue social »…
Sans doute le gouvernement avait-il surestimé sa capacité à « attirer » vers les maigres mesures du protocole une majorité syndicale. Et son chantage au tout ou rien s’est alors retourné contre lui, le mettant en difficulté à la veille d’échéances électorales déjà indécises, avec le risque de s’y présenter sans rien dans sa besace pour les fonctionnaires, après cinq années de blocage des salaires…
Passage en force
Par ce passage en force, le gouvernement montre que pour lui, le dialogue social, dans le privé ou dans le public, sert avant tout à la mise en musique de sa politique. Il n’a que faire d’une opposition syndicale majoritaire et va même tenter de faire comme si de rien n’était en mettant en place le même type de fonctionnement que si l’accord avait été ratifié « légalement » : protocole considéré comme « validé » dans son ensemble et comité de suivi avec les seuls signataires… Obligé de rétropédaler rapidement devant le caractère « hors la loi » de la démarche, la ministre de la FP va quand même tenter de réserver un traitement particulier aux « gentils » signataires face aux « syndicalistes non responsables ».
Prenant la mesure de la situation créée, le gouvernement décide de traiter chacune des mesures de PPCR au sein des instances de concertation « ordinaires » (comme le Conseil commun de la FP…) avec l’ensemble des syndicats représentatifs qui y siègent. Ce sera l’occasion pour chaque mesure abordée (celles du protocole initial mais aussi celles qui en avaient été « évacuées »…) d’une « bagarre syndicale » pour l’améliorer, la refuser, avec la possibilité d’en appeler à l’intervention des salarié-es.
Dialogue unilatéral !
De ce point de vue, le gouvernement, encore une fois, aborde mal les choses : il vient, sans discussion avec les syndicats, de faire adopter à l’Assemblée, dans le cadre de la discussion budgétaire, un amendement où on trouve notamment la suppression de l’avancement « le plus rapide » dans la FPT et la FPH au nom de « l’harmonisation » avec la FPE pour renforcer une logique de carrière au mérite au bon vouloir des employeurs, qui sera discutée avec les syndicats…
C’est un classique du « dialogue social » à la sauce Hollande : « on accepte que vous discutiez de nos projets (jamais favorables aux salarié-es) mais on décide en tout état de cause et toujours sur nos bases… » C’est systématique lors des grandes messes annuelles dites « Conférences sociales » où il n’est possible de discuter que des propositions du gouvernement, toujours régressives pour les salarié-es et jamais de celles des syndicats. La dernière a d’ailleurs soigneusement évité la question du code du travail, introduite seulement dans les conclusions du gouvernement avec des annonces publiques qui cadrent la future attaque pour le printemps.
Débat dans la tendance
Dans le débat sur la signature de PPCR par la FSU, pour nombre de camarades, la prise de position finale devait prendre en compte d’un côté le fait qu’une signature n’apparaisse pas comme un soutien au gouvernement et, de l’autre, que la dégradation du rapport de force social pouvait amener « à prendre ce qui pouvait être pris »… La déclaration, à l’initiative de l’ÉÉ, caractérisant très sévèrement la politique du gouvernement comme les insuffisances de PPCR, votée très largement par le CDFN, visait à répondre à cette contradiction. Pourtant, avec le passage en force de Valls, la provocation de Macron contre le statut de la FP, l’organisation de la répression à Air France, l’appui à l’accord sur les retraites complémentaires avec des syndicats minoritaires, comme à l’AP-HP sur le temps de travail, les nouvelles déclarations de Macron pour le salaire au mérite, appuyées par Lebranchu… on a, en un temps bref, le concentré de la politique du gouvernement sur le terrain du « dialogue social » qui amène à considérer sous un autre regard le débat sur la signature de PPCR.
Moins que jamais, les négociations avec le gouvernement ne peuvent être abordées d’un strict point de vue « technique », consistant à simplement peser le pour et le contre des textes d’accords. Le « dialogue social » est le terrain d’une bataille politique où on ne peut faire l’économie de la construction du rapport de force.
La plus importante échéance de mobilisation à construire sera le « rendez-vous salarial » de février pour arracher enfin le déblocage du point d’indice et un rattrapage conséquent. ●
Laurent Zappi