L’éducation prioritaire, politique de « discrimination positive » des années 80, a depuis sa mise en place subi de nombreuses réformes : basée sur le constat de territoires plus ou moins défavorisés au niveau socio-économique, et pensée au départ comme mesure de compensation (« donner plus à ceux qui ont moins »), l’EP a toujours été le lieu d’expérimentations diverses (au plan pédagogique, administratif, managérial) qui en ont fait le « laboratoire » des déréglementations qui se sont, depuis, appliquées à l’ensemble du système scolaire. Depuis les RAR, puis avec les ECLAIR, l’EP a concentré les effets néfastes de la déréglementation (horaires, contenus, objectifs scolaires, recrutement et rémunération ds personnels) jusqu’à faire de l’EP une école « à part », et a abouti à la ghettoïsation de certains établissements labellisés. [/Note rédigée le 1er décembre 2014/]
Aujourd’hui, la réforme de l’éducation prioritaire lancée par Vincent Peillon et suivie par ses successeur-es se termine ; elle s’affranchit de la logique ECLAIR, notamment en terme de recrutement ou encore d’objectifs scolaires affichés (qui seraient donc identiques à tous), mais certains aspects restent identiques (gestion des personnels, hiérarchies intermédiaires, pédagogie de projets imposée…).
Néanmoins, l’EP bénéficie de quelques moyens supplémentaires qui, en ces temps de pénurie, sont une question de survie pour nombre d’établissements : c’est ce qui explique qu’aujourd’hui, malgré les limites des politiques éducatives mises en place dans l’EP, les personnels s’accrochent au label et refusent d’en sortir.
De nombreuses mobilisations ont ainsi vu le jour ces derniers temps, mobilisations déterminées auxquelles les parents participent également de façon résolue.
La nouvelle carte de l’éducation prioritaire a été définie à moyens constants. L’entrée de Mayotte, tout comme le classement de l’ensemble de la Guyane en éducation prioritaire, deux décisions plus que justifiées par ailleurs, a donc ponctionné une bonne partie des moyens, déshabillant ainsi les réseaux existants, en métropole notamment.
C’est au niveau national qu’ont eu lieu les premiers arbitrages, et chaque académie a reçu ensuite l’enveloppe de REP (réseaux d’éducation prioritaire) à répartir sur son territoire, charge à chaque recteur de choisir qui en ferait partie en appliquant les 4 critères retenus nationalement (zones urbaines sensibles ZUS, taux de boursiers, classement socio-professionnel des parents et taux de redoublement à l’entrée au collège). Ainsi les zones rurales isolées, au vu du critère ZUS, classées ZEP lors de précédents élargissements de cette politique ont été sorties du périmètre, les établissements urbains considérés comme moins en difficulté par les recteurs ont été aussi éliminés. Les lycées ne sont pas retenus dans cette nouvelle carte, ils sortent donc tous de REP ! Et pour ce qui est des écoles, leur labellisation est conditionnée par celle du collège : si le collège du réseau est REP, les écoles du réseau le sont également. Mais si le collège sort de l’EP, c’est alors l’ensemble du réseau qui en sort aussi. Les refontes de sectorisation scolaire faites ces dernières années pour éviter des collèges « ghettos » auraient ainsi comme conséquences la sortie d’écoles de l’éducation prioritaire, inacceptable ! Aux écoles mobilisées sur le sujet les DASEN répondent qu’il y aura une « attention particulière » portée à ces écoles en terme de moyens, qu’elles constitueraient des « ilôts d’EP » : autant dire rien de concret ni de pérenne…
Par ailleurs, l’inégalité est patente sur le territoire : comme les critères de classement varient d’une académie à l’autre, tel établissement, selon des critères objectifs est ainsi en REP dans une académie, et tel autre, doté des mêmes critères, en sort dans l’académie voisine.
De nombreuses écoles, collèges et lycées sont mobilisés contre leur sortie de l’EP dans de nombreux départements. La mobilisation est très avancée et combative dans le 92, le 93 (et dans l’académie de Créteil en général) avec des grèves unanimes dans quelques bahuts (exemple : Paul Eluard, Montreuil). Des grèves, débrayages et actions sont visibles en province (06, 04, 33, 44, 27, Dijon, Lille, Marseille…). Les mobilisations sont difficiles à recenser mais elles se comptent par dizaines. Les parents sont également très impliqués dans les mobilisations.
De nombreuses mobilisations sont remontées sur les listes syndicales. Des actions de grève locales, départementales, académiques, encadrées par la FSU ou avec un appel intersyndical, ont eu lieu ces dernières semaines. Des communiqués ont été publiés (http://www.snes.edu/Education-prioritaire-27756.html & http://www.snuipp.fr/Education-prioritaire-Aucune-ecole). Le SNUipp demande «qu’une concertation nationale se mette en place dès le mois de décembre pour s’assurer qu’aucune école en situation difficile ne reste sur le bord du chemin » et le SNES « demande au Ministère de veiller au respect du dialogue social […] Il appelle les personnels à faire valoir la réalité des établissements dans lesquels ils s’investissent pour la réussite de leurs élèves afin d’obtenir que la nouvelle carte corresponde aux besoins. […] les moyens alloués aux Académies pour la rentrée devront être suffisamment abondés pour permettre une relance ambitieuse de l’éducation prioritaire qui ne s’opère pas au détriment des autres établissements, déjà frappés par une dégradation des conditions de travail». La FSU quant à elle déclare « une dotation supplémentaire inscrite au budget est indispensable afin d’attribuer les mêmes moyens à toutes les écoles, collèges et lycées qui répondent aux critères de l’EP, qu’ils soient ruraux ou urbains ».
Tous ont conscience de la gravité de la situation : ayant obtenu un CTM le 17 décembre, sans aucun doute grâce au rapport de forces qui s’est construit sur le terrain, ils entendent réclamer des moyens supplémentaires. Mais rien n’est sûr, et le bras de fer continue.
Ce jour-là, les enseignant-es de l’éducation prioritaire sont appelé-es à venir manifester devant le ministère pour faire entendre les revendications.
Le périmètre de l’EP représente environ 20% de l’ensemble des établissements. C’est évidemment très important, mais cela ne concerne pas la totalité des personnels. C’est une des difficultés que nous rencontrons pour envisager une action nationale.
Pourtant, nous savons que la politique du MEN est globale, et que nous devons faire le lien avec la politique gouvernementale qui dégrade, au-delà du périmètre des ZEP, les conditions de travail (insuffisance de recrutement, réforme des services, nouveau socle, nouveaux conseils…). C’est aussi pour cette raison que la FSU a mis en débat dans ses syndicats nationaux la perspective d’une grève éducation en janvier.