« Not my président »

L’élection à la tête de la 1ère puissance économique et militaire de la planète d’un président explicitement raciste, sexiste, entouré de conseillers d’extrême droite a, à juste titre, été vécue, bien au delà des Etats Unis, comme un tournant. Tournant décisif qui marque la victoire des courants les plus réactionnaires dans ce pays, et le dernier échec de ces partis de « l’extrême centre » dans les pays capitalistes avancés, depuis la Grande Récession issue de la crise des subprimes. La victoire de Trump est avant tout la défaite d’Hillary Clinton, du Parti démocrate et de la politique menée pendant 8 ans par Barack Obama. Ces politiques ont ouvert la voie au triomphe d’un candidat utilisant le populisme de droite pour renforcer le racisme, la xénophobie et la réaction. Mais comment ce milliardaire, entouré des banquiers Goldman Sachs a-t-il pu incarner un vote « contre l’oligarchie » et l’emporter ?

Certes, Clinton remporte le vote populaire, et largement même, de plus de 2 millions de voix, quand, dans le même temps, elle perd largement le collège électoral des grands électeurs. Mais, le vote populaire n’est pas synonyme de victoire dans la « plus grande démocratie » du monde. La faute aux 7 millions de voix perdues par rapport à l’élection d’Obama en 2008. Hillary Clinton, avec la ligne libérale de l’establishment démocrate, a été incapable de construire une dynamique populaire s’appuyant sur les mouvements progressistes des dernières années. Les classes populaires et les jeunes de qui se sont mobilisés pour Sanders, ou lors d’Occupy Wall Street, les populations afro-américaines mobilisées dans le mouvement Black Lives Matters, toutes ces énergies n’ont pas répondu à l’appel d’un « tout sauf Trump » incarné par un establishment qu’ils combattent. La défaite des démocrates est un enseignement qu’il serait utile d’importer ici à la veille d’une année électorale : la logique politique du « moindre mal » s’avère parfois être le plus court chemin vers le pire.

L’exercice du pouvoir trumpiste aura des conséquences dramatiques. Déjà, des actes racistes se multiplient. Le sexisme de Trump, son histoire personnelle et sa volonté de restreindre sévèrement le droit à l’avortement stimuleront les courants les plus réactionnaires.

Sa politique de « L’Amérique d’abord » aiguisera le nationalisme, elle fermera la porte au nombre déjà restreint de réfugiés que les USA accueillent officiellement. Elle peut en outre redistribuer les modalités des luttes inter impérialistes. Le projet d’une flat tax à 10 % pour les multinationales qui rapatrieraient leurs avoirs aux Etats Unis sera le signal d’une guerre fiscale accélérée sur la planète. On est loin d’une rupture avec l’ensemble du paradigme néo-libéral que certains, y compris à gauche, ont cru lire dans les rodomontades de Trump contre les traités de libre échanges.
L’histoire n’est jamais terminée. Les manifestations au lendemain de son élection, l’écho de la campagne de Sanders, les mouvements sociaux dynamiques ces dernières années n’auront pas disparu en janvier prochain. Mais ils auront besoin de toute notre solidarité. ●

Julien Rivoire