Les contributions publiées qui s’opposent à la révision de l’article 5bis des statuts (Karine Boulone, Ludivine Rosset et Sophie Vénétitay) évoquent tout d’abord la question de la proportionnalité, en laissant de côté ce sur quoi pourtant l’amendement insiste : les discriminations subies par les femmes, la féminisation forte de notre milieu et le seuil minimal de parité auquel nous devrions nous astreindre. C’est bien pourtant ces éléments qu’il faut prendre en considération pour comprendre cet amendement. Fondamentalement celui-ci vise à sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes quant à la situation des femmes dans le syndicat. Majoritaires dans les syndiqué-es, majoritaires dans les S1, elles ne le sont plus lorsqu’il s’agit des CAA ou de la CAN.
Dans son texte Karine Boulone, en disant certes qu’elle caricature, compare la situation des femmes à celle des profs de Lettres ou de SVT. Ecrire cela, supposer que la question est juste mathématique c’est nier l’existence de l’oppression spécifique que connaissent les femmes. Faut-il rappeler, si on parle chiffres qu’une femme décède tous les trois jours victime de son conjoint, qu’il n’y a que 3 % de femmes parmi les PDG en France, 17 % parmi les président-es de région, 16 % de maires mais 54 % parmi les allocataires du RSA … on pourrait égrainer ces résultats longtemps mais pour parler de notre propre milieu : les femmes constituent 58 % du second degré, 65 % du corps de certifié-es et seulement 52 % de celui des agrégé-es … pourtant leurs résultats sont meilleurs en école primaire !
Peut-on nier la double journée de travail des femmes, la charge mentale, les violences sexistes, le fait qu’elles sont le plus souvent sur-diplômées pour les emplois qu’elles occupent, qu’on leur demande plus de compétences qu’aux hommes et de constamment le prouver.
Bien sûr nous le savons, les textes de nos congrès le disent (La féminisation s’inscrit dans la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes dans notre société. La volonté du SNES-FSU de développer un syndicalisme de transformation sociale lui impose d’agir concrètement pour améliorer la représentation femmes/hommes dans ses instances à tous les niveaux. Thème 4 Grenoble) Depuis de très nombreuses années nous disons qu’il faut donner aux femmes les conditions pour qu’elles puissent prendre des responsabilités et les choses ne bougent que très doucement.
Pour avancer vraiment on ne peut pas éviter la contrainte de la parité. Et c’est cette contrainte, le fait d’imposer une répartition égalitaire hommes/femmes qui semble gêner les rédactrices des contributions. On risquerait de choisir des femmes qui ne seraient pas compétentes ? Mais n’y a-t-il aucun homme dans une position dans laquelle il n’est pas compétent ? Françoise Giroud disait : « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. » (Le Monde – 11 Mars 1983). Pour nous enseignant-es la compétence est-elle un acquis préalable ou quelque chose qui se construit, au jour le jour ?
Pourquoi ce refus d’envisager des mesures spécifiques qui puissent aider les femmes à franchir la barrière qu’on leur met et que parfois elles se mettent inconsciemment ? Quand on constate que l’origine sociale a un impact sur le destin scolaire des enfants des milieux populaires, on en conclut qu’il faut trouver les moyens de contrecarrer les ressorts sociaux de l’échec scolaires. Est-ce injuste ?
Plutôt que d’attendre que les conditions soient réunies en terme pratique (nature du militantisme, heures de réunion, garde d’enfants … ) pour que les femmes soient enfin majoritaires à la direction de notre syndicat, ouvrons nous la porte, nous saurons améliorer les conditions avec l’aide de tous et toutes, autant que faire se puisse dans une société sexiste.
Elisabeth Hervouet, Ecole Emancipée.