Pourquoi est-il nécessaire d’adosser une vraie réflexion à la transformation et non à la refondation des rapports entre école et société et …. nécessaire de ne plus se payer de mots ?
Prenons la terminologie en vogue dans le monde de l’éducation : bien-être à l’école, rythmes, morale laïque, besoins éducatifs particuliers, coopération, travail en équipe, innovation… On voit bien que dans le contexte actuel où circulent ces nouvelles configurations sémantiques, celles-ci sont l’objet d’enjeux contradictoires selon les acteurs qui les utilisent : syndicats, mouvements pédagogiques, administration, décideurs politiques, chercheurs.
Ainsi le discours sur le bien-être/bienveillance à l’école tout comme celui les rythmes fonctionnent plus comme un adoucissement de la peine,
celle d’être du mauvais côté de domination sociale,
alors que les vrais problèmes sont du côté de l’élitisme, de la compétition scolaire, des inégalités terrritoriales et des injustices sociales qui perdurent et s’aggravent à travers des choses beaucoup plus subtiles et complexes comme les contenus des programmes, les évaluations, les pratiques, la formation, etc.
Mais on fait comme si….
De même dans le débat sur la morale laïque, l’idée de morale, celle qui normalise les comportements, apprend la soumission, a pris le pas sur celle de laïcité.
Mais on fait comme si…
Particulièrement victime de ces retournements de sens : tout ce qui a trait à la réussite des élèves et aux finalités de l’école.
Ainsi la notion d’adaptation avait un double sens : celui d’aider les enfants à devenir élèves tout autant que celui d’adapter le système à tous ses publics dans le cadre de la massification. Cette notion ne fonctionne plus que du point de vue des individus à travers des compétences comme l’adaptabilité, et à plus ou moins court terme l’employabilité.
De même, les besoins éducatifs particuliers subissent aujourd’hui un sort identique : le projet de la prise en compte de l’hétérogénéité des élèves dans la conception même du système éducatif glisse lentement et sûrement vers une succession de dispositifs créés pour répondre à des catégories de besoins, définies administrativement, ou pour des populations à risque dans le cadre de l’Union européenne (décrocheurs, ROM, etc).
Au bout du bout ce sont les pratiques derrière les mots qui donne le LA.
Alors pourquoi ne jamais parler de l’industrialisation du système éducatif à travers une nouvelle division sociale du travail, ni de son asservissement aux logiques marchandes ? Pourquoi ne pas échanger sur les conceptions des individus, des organisations sociales, et osons un gros mot, des idéologies qui s’opposent ?
L’école est moins que jamais un lieu neutre. Et pourtant on fait comme si….
Comme si l’école maternelle et élémentaire étaient à l’abri de ces enjeux!
Le langage c’est avant tout de la pensée en marche.
On peut évidemment utiliser la pensée des autres, celle des politiques, dans une logique d’inféodation de l’activité syndicale,
ou alors on forge notre propre pensée et on ne se laisse plus confisquer les mots.
Le syndicalisme – celui que nous avons commencé de construire il y a 20 ans – avait vocation à développer une pensée originale et indépendante à la fois sur notre travail d’éducateur de d’enseignant, sur l’éducation comme service public et sur la société, non pas pour des transformations à la marge du système,
mais pour un système scolaire qui soit plus juste et égalitaire, c’est-à-dire qui ne se contente pas de l’égalité abstraite des chances.
Il s’agit de rechercher l’égalité des résultats parce que les élèves sont tous capables, tous éducables, parce que l’objectif c’est la démocratisation de l’école et l’émancipation de tous
et que nous avons la conscience que tout cela ne s’obtiendra pas sans rupture, aussi dans nos têtes. ..
A moins que nous y ayons renoncé.
Auquel cas il faudra l’énoncer aussi.