Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon sont deux sociologues qui se sont spécialisés dans l’étude de la bourgeoisie, non pas ceux qu’on a l’habitude de nommer ainsi et qui dépassent de peu la condition de la plupart d’entre nous, mais la très grande bourgeoisie.
Le livre, très pédagogique, est fait d’une vingtaine de leçons illustrées de nombreuses caricatures toutes plus drôles les unes que les autres, fortes de cet humour particulier qui est au service de l’intelligence.
Qui sont les riches ? Où habitent-ils ? À quoi passent-ils leurs journées ? Sont-ils utiles à la société ?
On y trouvera de nombreuses réponses à ces questions fondamentales. On y découvre ainsi que la richesse n’est pas faite que d’une montagne d’argent mais qu’elle comprend aussi des aspects culturels, sociaux et symboliques.
Ceux-ci ne sont pas les moins importants puisqu’ils expliquent en grande partie la domination sans partage et sans grande contestation qu’exercent les riches dans nos sociétés contemporaines.
Leur éducation les conduit à se comporter de telle sorte que tout le monde devrait trouver leur richesse naturelle et résultant de leurs dons exceptionnels.
**Naître ou ne pas être…
Pourtant il n’en est rien. Les riches le sont en fait, parce qu’ils ont hérité de leurs parents.
Toute la société est faite pour leur faciliter le fait d’accroître et de transmettre cet héritage à leurs enfants. Ils ne paient pas trop d’impôts, moins que les pauvres en tout cas, bénéficient de la sympathie de leurs pairs qui monopolisent les postes politiques et donc légifèrent sans remettre en cause leur domination…
Surtout ils n’ont pas de mal à accroître leur fortune car « c’est la richesse qui crée la richesse ». Enfin les très riches constituent une classe sociale et ils en sont conscients.
Cultivant l’entre-soi, leur mode de vie relève d’une véritable stratégie visant à maintenir leur rang social mais aussi à perpétuer leur domination, allant jusqu’à faire des mots des alliés dans la guerre des classes qu’ils s’échinent à gagner tout en niant sa réalité.
Avec un tel contenu, on pourrait craindre que le livre promeuve le découragement. Ce n’est pas le cas pourtant. Les auteurs ont choisi de finir sur un appel à leurs jeunes lecteurs à refuser toute tentation du renoncement et à se saisir de l’arme démocratique du nombre contre ces privilèges.
On l’aura compris, ce petit livre est essentiel. Il faut le diffuser sans compter. Ce sont plutôt les lycéens qui sont susceptibles de lire intégralement les textes courts et clairs qui le composent mais des plus jeunes pourront utilement y piocher une définition, une réponse à un questionnement, une réflexion à partir d’un dessin.
Les enseignants et les parents y trouveront de la matière pour des cours et des discussions. ●
Stéphane Moulain