Nous l’avons écrit dès la publication du projet de loi, nous avons fortement poussé dans la FSU pour le faire écrire : cette loi n’est pas une loi de refondation ! Quelques concessions (ajout de « culture » au socle commun, abrogation de la loi Cherpion…), renvoi des questions conflictuelles à des décrets et circulaires
ultérieurs pour, finalement, 60 articles modifiant autant d’articles du code de l’éducation (sur près de 1000) :
la montagne accouche d’une souris !
Depuis le milieu du XIXème siècles, les grandes lois sur l’école se sont succédées, de la loi Guizot créant les « écoles normales », en passant par les lois de 1882 et 1886 instaurant l’école primaire laïque et gratuite, la loi Haby instituant le collège unique, la loi d’orientation de 1989, la loi Fillon, jusqu’à cette loi dite donc « de refondation ».
Cet édifice législatif a, depuis l’origine jusqu’au milieu des années 1990, tenté de résoudre une contradiction : élévation du niveau de l’ensemble de la nation ou adaptation aux besoins économiques ?
Autrement dit, il est le résultat d’un rapport de force entre les classes populaires qui revendiquent l’accès aux savoirs et les classes dominantes qui n’ont besoin que de main d’œuvre plus ou moins qualifiée. La recherche du compromis a été facilitée par l’évolution du monde du travail qui nécessite de plus en plus de qualification : dès lors, les intérêts opposés se sont rapprochés, entraînant la massification, à défaut de démocratisation, du système éducatif.
L’apparition, puis la persistance du chômage de masse, a donné un coup d’arrêt à ce fragile équilibre : le concept d’éducabilité s’est petit à petit effacé devant celui d’employabilité. Le point d’orgue de cette rupture a été et reste la loi Fillon.
Pas de réelle rupture
La loi Peillon prétend refonder l’école. C’est à l’aune de notre projet que nous devons l’analyser et non au regard de ceux qui l’ont écrite. Même si nous pouvons admettre des étapes dans la construction d’une école vraiment égalitaire, les finalités doivent apparaître clairement. De ce point de vue, la continuité avec la loi Fillon est flagrante :
– L’obligation de scolarité à 18 ans que nous revendiquons, c’est l’affirmation que tou-tes les élèves peuvent obtenir le niveau du bac. Cette ambition n’est pas écrite dans la loi, seulement la volonté charitable mais bien peu ambitieuse de ne laisser aucun-e jeune de 16 à 18 ans sans solution.
– Le socle commun : il réduit son ambition à la scolarité obligatoire et coexiste avec des programmes qui, eux se déclinent jusqu’au lycée. Ce n’est pas parce qu’on y ajoute « culture » et que sa définition est attribuée au Conseil supérieur des programmes qu’il deviendra autre chose qu’un « SMIC culturel » ; un peu pour beaucoup et plus pour les autres !
De nombreux autres points sont problématiques. En introduisant les « parcours artistiques et culturels », la loi apporte une confusion certaine dans le rôle des différents partenaires de l’éducation, ministères de l’EN et de la culture, collectivités locales, associations… La même logique prévaut pour la formation professionnelle, les rythmes scolaires…
Autre point plus que contestable : le remplacement de « l’enseignement d’éducation civique » par « l’enseignement civique et moral », il aura fallu un gouvernement de gauche pour inscrire la morale dans la loi !
Enfin, le collège est mis à mal par la création d’un cycle à cheval sur CM2 et sixième (les contours exacts restant à définir) et d’un conseil commun école/collège dont la définition et la composition seront fixées par décret. Gageons qu’elles ne favoriseront pas forcément des coopérations inter degré, mais encourageront plutôt un pilotage hiérarchique. De plus, des dispositifs de sorties précoces vers l’apprentissage, même dérogatoires, restent prévus.
Des postes oui,
mais des précaires
Quant au volet programmation, dès cette année, il se heurte à l’absence de réelle volonté de démocratiser l’accès aux métiers enseignants : le gouvernement refuse de mettre en place de véritables pré-recrutements. Les créations de postes pour la rentrée prochaine seront donc pourvus par les admissibles aux concours à qui on proposera des contrats sur l’année scolaire pour un tiers de service à 854 € brut par mois.
On pourrait admettre quelques imperfections, il faut bien essuyer les plâtres d’une architecture ambitieuse qui ne se construit pas en un jour. Il s’agit en fait d’une génération de plus sacrifiée sur l’autel de l’austérité !
La loi Peillon, c’est bien une orientation dans la continuité et une programmation sans ambition.
Jérôme Falicon