Depuis 14 ans, les organisations syndicales CGT, FSU et Solidaires organisent
ces deux journées intersyndicales femmes en mars. Elles sont un moment fort, passionnant, enrichissant qui permet de consacrer du temps, de la réflexion et d’agir sur un enjeu essentiel, mais trop souvent marginalisé, dans le monde syndical. Cette année, quatre thèmes
ont été abordés : lesbophobie et travail, égalité professionnelle dans la Fonction publique, femmes dans les révolutions arabes et enfin, femmes et sport.
1998 fut la première année d’organisation des journées intersyndicales femmes. 14 ans d’une expérience peu commune dans le monde syndical : 14 ans de débats, d’exposés, de rencontres, de coup de colère, d’émotions. 14 ans que les organisations syndicales CGT, FSU et Solidaires organisent ces 2 journées en mars qui rassemblent 300 à 350 participant-es, dont environ 80 % de femmes, même si, étrangement, d’une année à l’autre les proportions varient un peu. Ces journées s’adressent aussi bien aux responsables syndicaux, qu’aux syndiqué-es de base.
Avec des thèmes très divers, touchant à la fois au cœur de métier du syndicalisme (inégalités salariales, précarité, discriminations, retraites, santé, luttes dans le monde du travail…) et/ou au coeur des thématiques féministes (avortement/contraception, familles, sexualité, violences, mouvement féministe…), ces journées sont de l’avis de toutes un moment fort, passionnant, enrichissant qui permet aux syndicalistes femmes venues de toutes les régions, de secteurs professionnels et bien sûr de syndicats différents, de consacrer du temps, de la réflexion, et d’agir sur un enjeu essentiel, mais trop souvent marginalisé, dans le monde syndical.
La session 2012 s’est déroulée les 13 et 14 mars et a tenu ses promesses avec quatre thèmes abordés : lesbophobie et travail, égalité professionnelle dans la Fonction publique, femmes dans les révolutions arabes et enfin, femmes et sport.
Où en est l’égalité professionnelle dans la Fonction publique ?
Sujet choisi en raison de l’actualité (voir EE n°34), la séance s’est déroulée avec la participation de l’économiste de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) Françoise Milewski, de trois représentantes syndicales, Patricia Tejas de la CGT, Sophie Zafari de la FSU et Gaelle Differ de Solidaires. Triste constat : le déni des inégalités professionnelles dans la Fonction publique, tant dans les syndicats qu’au plus haut niveau de l’Etat, freinent considérablement les avancées.
Un idéal républicain qui reste un idéal : « il y a une réticence à traiter les inégalités femmes-hommes dans la mesure où l’idéal républicain voudrait que tou-te-s aient un statut égalitaire », explique Françoise Milewski, « on observe une totale opacité en matière d’écart salarial dans la Fonction publique. Une étude sur les écarts de salaires devait être réalisée par le secrétariat d’Etat à la Fonction publique et à l’époque la Halde, mais elle ne voit pas le jour.
Il y a une réticence évidente dans ce domaine ». Si le bienfait des grilles indiciaires sur l’égalité salariale est incontestable, il ne faut pas être dupes concernant l’attribution des primes. Comme la prime au mérite ou la prime de technicité, moins souvent attribuées aux femmes qui occupent des postes considérés comme nécessitant des compétences « innées pour les femmes » et non acquises, notamment dans les filières sociales et administratives. Ces inégalités marquantes, ignorées ou rendues invisibles, précarisent les femmes, en particulier lorsqu’elles doivent prendre leur retraite.
Dans la salle, les témoignages expriment une certaine amertume, voire de la colère. A Pôle Emploi, les femmes sont considérées comme moins performantes que les hommes. De nombreuses femmes de service employées par la Ville de Paris sont non titularisées après parfois près de trente-cinq ans d’emploi. « Elles subissent une triple discrimination : celle d’être femme, d’origine populaire et non européenne. ». A l’Insee, sur 1000 employé-e-s, 800 sont des femmes, non titulaires et payées à la tâche. Elles se battent pour des salaires décents, alors qu’elles touchent actuellement entre 600 et 800 euros mensuels.
L’Etat se devant d’être exemplaire, François Sauvadet, ministre de la Fonction publique a ajouté en mars 2011 un amendement au projet de loi relatif à la lutte contre la précarité et contre les discriminations. Cet amendement est calqué sur la loi Copé-Zimmerman, instaurant, sous peine de sanctions financières, des quotas de femmes (40 % en 2017) dans les conseils d’administration des grandes entreprises. Pour la Fonction publique, cet objectif de 40 % devra être obtenu en 2018. « Cette loi sur la précarité a été élaborée dans l’urgence, c’est une coquille vide. Comment peut-on sanctionner financièrement l’Etat, qui sera en même temps débiteur et bénéficiaire ? » s’interroge Françoise Milewski.
Les trois représentantes syndicales ont insisté sur le fait qu’il fallait encore travailler dans les organisations syndicales pour que l’égalité salariale et professionnelle soit prise en compte. Toutes les intervenantes ont tenté de minimiser leur découragement face à l’« éternel recommencement », énoncé par Françoise Milewski. Et veulent croire à une fenêtre ouverte avec les débats suscités par la campagne présidentielle et la loi sur les retraites, qui a mis sur le devant de la scène les problèmes d’emploi et de précarité des femmes.
Lesbophobie au travail
Introduit par des animatrices-teur de SOS-Homophobie et par la sociologue Natacha Chetcuti, cette demi-journée a été l’occasion de « penser » le sujet à la fois sous un angle sociologique, politique et aussi de dégager des pistes syndicales.
Natacha Chetcuti a insisté sur le fait que le lesbianisme est avant tout un processus social, une expérience relationnelle, qui en sociologie s’appelle l’«autonomination». «Se dire lesbienne» et s’affirmer en tant que telle relève de ce que la sociologue appelle un «processus de deshétérosexualisation». Évoluant dans une société où l’injonction à la féminité et à la maternité est toujours prégnante dans le devenir-femme, les lesbiennes doivent composer entre leur réalité et les filtres à travers lesquels elles sont perçues.
SOS-Homophobie a fait part de son expérience d’intervention sur les lieux de travail. Il y a des droits à faire valoir et d’autres qui sont encore à gagner. Certains salarié-es vivent des situations douloureuses, victimes de diffamation ou de harcèlement en raison de leur orientation sexuelle.
Cécile Ropitaux de la commission LGBT de la FSU a évoqué ses réflexions concernant cette activité. En ce qui concerne les enseignant-es LGBT, ils et elles souhaitent souvent être le plus discret-es possible (à moins d’être foncièrement militant-e), du fait même de la spécificité de ces métiers et du contact avec les jeunes. En effet, ils et elles peuvent être suspecté-es de prosélytisme, voire, pour les hommes surtout, de pédophilie. Cela soulève de nombreuses interrogations : doit-on, peut-on afficher son orientation sexuelle dans les établissements scolaires ? Est-il souhaitable de rester muet-te sur sa vie privée, alors qu’une enseignante hétérosexuelle évoquera ouvertement son mari en salle des profs ou même devant ses élèves sans aucun problème ? En tant que syndicats de l’éducation, nous nous préoccupons du bien-être de nos élèves ou de nos étudiant-es. Or, les LGBTphobies ont sur les jeunes des conséquences souvent dramatiques : sursuicidalité, déscolarisation, dépression, addictions…Nous réaffirmons la nécessité d’une éducation pour une école ouverte à la diversité, et ce en agissant dès l’école primaire.
Nous reviendrons dans un prochain numéro sur les deux autres sujets traités cette année.
Sophie Zafari