Les projets de programmes pour l’école élémentaire et le collège
ont été rendus publics par le Conseil supérieur des programmes (CSP)
le 9 avril dernier.
Ces projets de 241 pages seront soumis à consultation des enseignant-es du 11 mai au 12 juin.
En cette fin d’année chargée, pendant laquelle nous avons déjà été consultés sur le socle commun, les programmes d’éducation morale et civique, les parcours divers, le numérique… imaginer que nous allons pouvoir participer, sur notre temps personnel à cette consultation relève de la naïveté, voire de l’imposture !
Pas de temps dédié, des réponses en ligne avec des cases à cocher, des commentaires possibles, limités à 400 signes ! Imposture ? Mystification plutôt.
Dès son installation, le premier président du CSP avait indiqué que ces nouveaux programmes seraient plus simples, plus concis, plus opérationnels et laisseraient toute la place à la liberté pédagogique des équipes.
C’est surtout le manque de cohérence qui marque à la lecture : chaque document commence par une longue introduction sur les spécificités du cycle, viennent ensuite des tableaux sur la correspondance entre les attendus du socle commun et les programmes, puis on entre dans le vif du sujet.
Une introduction par domaine ou discipline puis des tableaux qui n’ont ni tous la même forme, ni tous des mêmes contenus suivant les cas. Tenter de trouver une certaine homogénéité est réellement une gageure.
Un des problèmes qui sera posé aux équipes est celui des « repères de progressivité ». Selon les domaines, les cycles, les disciplines, ces repères sont complètement différents : très précis et annuels, renvoyés aux documents annexes ou inexistants, on trouve tout !
Curieusement, c’est au cycle 2 (CP, CE1, CE2) et au cycle 4 (5ème, 4ème, 3ème) que l’on trouve le plus de repères annuels, alors que le cycle 3 (CM1, CM2, 6ème), à cheval sur deux structures scolaires différentes en manque singulièrement.
Et ce n’est pas dans les domaines qui en auraient le plus besoin qu’ils sont les plus précis (lire plus bas sur la langue…).
**La place du cycle 3
Au cycle 3, donc, à cheval entre l’école élémentaire et le collège, les programmes seront commencés par des professeurs polyvalents et terminés par des professeurs mono ou bivalents (histoire – géographie par exemple).
En soi, ce n’est pas forcément un écueil. En tout cas, ce n’est pas l’objet ici de développer ce sujet. Néanmoins, imaginer que le conseil de cycle 3, véritable usine à gaz déjà règlementée par décret, va pouvoir se pencher sur des programmations décidées collectivement par l’ensemble des collègues du cycle pour chaque domaine ou disciplines dans plusieurs écoles élémentaires avec plusieurs équipes disciplinaires du ou des collèges est une vue de l’esprit.
Sans temps supplémentaire, sans moyens de déplacement, sans formation commune, c’est tout simplement impossible. Sans compter la mobilité des familles et des enseignants qui d’une année sur l’autre imposerait des impasses ou des doublons à certains élèves…
La dure réalité impose, là aussi, un cadrage et des repères annuels précis.
Le domaine « La formation de la personne et du citoyen » faisait déjà problème dans l’écriture du socle. L’enseignement moral et civique y est présenté comme devant « assurer la compréhension de la règle et du droit ». Pas son questionnement.
Et le cadrage de l’enseignement de l’histoire, qui évacue l’étude des sociétés et donc l’histoire de la lutte des classes, tend à dresser un nouveau roman national dont la critique est absente.
**La langue : un outil pour l’égalité ?
Sans entrer dans le détail des programmes (nous y reviendrons dans un prochain numéro), il faut pourtant s’attarder sur un point sensible : la lecture, l’usage de la langue…
Il est avéré aujourd’hui que le rapport au langage est particulièrement discriminant dans les écarts de réussite scolaire. Il y a donc d’emblée un hiatus dans ces nouveaux programmes : si dans les programmes de cycle 3, l’importance de la construction collective du sens et du lien avec la production d’écrit est pointée, les programmes de cycle 2 sont encore trop marqués par une conception de l’écrit comme traduction de l’oral, un codage/décodage procédural qui mettrait en jeu des activités intellectuelles hors de toute relation avec le sens de l’écrit.
Il faudrait ensuite connecter les deux processus : le décodage et le sens. Il n’est évidemment pas dans notre propos d’affirmer que le codage/décodage de l’écrit doit être totalement absent de l’école, mais en le plaçant ainsi au centre, l’école va continuer à produire ce qu’elle fait déjà avec une certaine réussite : alphabétiser les masses et littéracier les élites. ●
Adrien Martinez,
Jérôme Falicon.