Si le numérique est un outil indispensable dans le secondaire pour l’administratif ce n’est pas, comme le ministère veut le faire croire, LA solution à tous les problèmes de l’Education Nationale. Le ministère a profité de la crise pour mettre au centre de l’enseignement le numérique, vantant ses mérites, alors qu’il n’a fait qu’accentuer les inégalités de notre système scolaire. Pour maintenir le lien avec les élèves et les familles des outils numériques ont été mis en place et les enseignant·es ont subi de fortes pressions du ministre, de chef·fes d’établissement ou de référent·es numériques pour qu’iels utilisent ses outils, parfois sans respecter le RGPD, mettant ainsi à mal leur liberté pédagogique. Cet enseignement à distance, même avec des personnel·les volontaristes, est de moindre qualité, il fatigue et démotive les élèves, nuit à la construction du savoir qui est bousculé dès lors que l’interaction enseignant·es/élève n’existe plus, que la relation entre théorie et pratique est rompue, qu’on renvoie toujours plus le savoir à un apprentissage autonome à la maison.
De plus, l’enseignement numérique risque de servir d’accélérateur pour imposer l’évolution vers une école où les élèves apprennent devant leur écran grâce à des logiciels éducatifs (un gigantesque marché !) et où les enseignant·es sont réduits à un simple rôle d’exécutant·es et de pourvoyeurs·euses de pédagogies standardisées. La fracture numérique a été révélée : manque d’équipement informatique dans les familles, non maitrise de l’outil numérique, des différents logiciels, plateformes, l’inégalité de la qualité d’accès à internet.
Dans certaines académies, du matériel informatique a été distribué à tout·es les élèves, mettant ainsi fin aux manuels papiers sans plus-value. D’autre part cette mutation participe à l’intensification du temps d’écran ce qui est sanitairement préoccupant. Et là où du matériel a été distribué à tout·es les élèves, la question de la maintenance et l’entretien du matériel amplifie les inégalités sociales préexistantes.
Ce tout numérique pose aussi des problèmes éthiques. En effet pour un certain nombre de sociétés privées, celle possédant le système d’exploitation fourni et d’autres les logiciels qui lui sont liés, ou s’occupant de la maintenance du matériel par délégation des collectivités territoriales, l’éducation est une vraie mine d’or. Les données personnelles des familles et des personnel·les sont stockées par d’autres entreprises peu regardantes sur le respect de la vie privée. Le numérique est aussi un excellent outil de surveillance de l’activité des agent·es, du travail des jeunes, de l’investissement des familles à leur insu.
Ce tout numérique pose également de véritables problèmes environnementaux que nous avons tendance à oublier. Pour faire fonctionner les réseaux et les machines, pour stocker les données, il faut une énergie considérable et des matériaux dont les terres rares nécessaires à leur fabrication. Leur extraction est à l’origine de guerres et de violences pour se les approprier. Enfin l’obsolescence programmée et le recyclage des ordinateurs, se fait dans des pays sans normes de protection des travailleurs·ses qui sont souvent des enfants….
Tout cela montre qu’il faut un véritable service public du numérique et qu’une vraie réflexion est nécessaire pour remettre l’informatique à sa place d’outil, pour protéger données et vie privée et éviter un surcoût écologique et économique. Enfin, il faut aussi éviter la numérisation forcée de l’école comme prônée par l’OCDE, sujet dont le syndicat doit s’emparer. Ainsi, dans les discussions qui s’ouvrent sur le télétravail avec la FSU, il faut poser des garde-fous.