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– J’ai 3 ans, j’entre à l’école, me voilà avec un INE (Identifiant National Élève) qui va me suivre tout au long de ma scolarité ; j’entre aussi dans Base Élèves. – 7 ans : Évaluations CE1, mes résultats sont traités informatiquement. – 10 ans : je suis en CM, mon enseignant-e remplit le LPC pour me permettre de rentrer au collège ; dans la cour, on s’est moqué des filles, du coup on n’a pas validé le palier des compétences sociales et civiques. – 14 ans : Je suis au collège, la mairie enregistre sur mon dossier mon absentéisme scolaire, la fiche sera croisée avec celle de ma famille (allocs, …) – 15 ans : Je me suis fait arrêter avec ma bande de copains pour chahut dans un hall d’immeuble, me voilà fiché pour au moins 15 ans, l’excuse de minorité ne marchera pas et l’info restera dans mon dossier ; on me le rappellera lorsqu’à 17 ans je me ferai arrêter en manif. – 16 ans : Pour discuter avec mes copains j’ai un compte facebook et je télécharge mes groupes préférés. Mais Hadopi me rattrape pour cause de téléchargement, voilà mon internet sous surveillance. Et j’en oublie sûrement … Si mon parcours est linéaire et que je ne croise jamais la police, je suis pourtant « multifiché-e ». * * * Du simple fichier papier aux grandes bases de données informatiques, le fichage des populations dépasse le cadre des données administratives et s’étend aux données biologiques via des prélèvements d’ADN notamment. À la fois moyen de gestion et de surveillance des populations, l’activité de fichage s’est considérablement accrue au cours de l’histoire – en même temps que se renforçaient les domaines d’intervention et les moyens de police des puissances publiques – pour devenir aujourd’hui une des caractéristiques de la société moderne. [*Tout cela n’est pas nouveau : Petit aperçu historique jusqu’à 1945*] (source : Wikipédia) Le Livret ouvrier, mis en service par Napoléon au début du XIXe siècle, sert à surveiller les déplacements des classes populaires. Avant lui, au XVIIe siècle, Louis XIV avait déjà mis en place des papiers visant à surveiller les artisans du royaume. Le Carnet B (début du XXe siècle) : son but est de repérer les suspects d’espionnage, les éléments antimilitaristes, les Français et les étrangers susceptibles de menacer l’ordre intérieur, notamment les militants politiques et syndicaux. Les machines Hollerith (à cartes perforées) vont permettre aux nazis, à partir de 1933, d’améliorer leurs techniques de recensement, notamment des juifs, mais également d’organiser de façon méticuleuse la déportation. Sous la Troisième République, le policier André Tulard fiche les communistes ; il fait de même pour les juifs sous Vichy. Ce « fichier Tulard » a été transmis à la Gestapo à Paris. Il sera principalement utilisé pour l’organisation de la rafle du Vélodrome d’Hiver. En 1942, le régime de Vichy créé un Fichier de la batellerie. INE, Base Élèves, LPC, sécu, les cartes de fidélité, téléphone, internet carte de transport, banque, CB, logement (SIAO pour les demandeurs d’hébergement), impôts, prestations sociales, suivi psychiatrique… Chacun de nous est en général présent dans des centaines de fichiers qu’ils soient publics (ceux des nombreuses administrations) ou privés (les fichiers commerciaux et bancaires principalement). Les risques de détournement, d’utilisation frauduleuse… sont nombreux. Tous les États démocratiques modernes se sont dotés de lois définissant et encadrant l’exercice du fichage. En France nous avons la Loi informatique et liberté et la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés). On dénombre aujourd’hui pas moins de 56 fichiers de police, toutes les catégories de population sont visées. Et cela dès la petite enfance, gardant en mémoire nos faits et gestes même les plus anodins. Le croisement de tous ces fichiers permet un véritable tramage de la population, ne laissant que peu de champ à nos libertés. ++++ [*Fiché à vie dès 3 ans ?*] » Il se confirme que la Base élèves est bien le socle rendant possible le fichage généralisé de la population dès 3 ans. Ainsi, au milieu d’une multitude d’autres applications dont la liste semble s’allonger chaque jour, doit se mettre en place cette année dans tous les établissements scolaires le Livret Personnel de Compétences (LPC), dans lequel les champs retirés de la Base élèves par l’arrêté de 2008 refont leur apparition. On imagine sans peine les convoitises que pourra susciter un tel fichier qui gardera en mémoire, dès l’école et tout au long de la vie, la totalité du cursus scolaire de tous les enfants de France, les réussites mais aussi les échecs de chacun. A travers la mise en œuvre du livret expérimental de compétences se met en place maintenant le fichage de l’individu sous l’angle des compétences : fichage des plus sensibles car des plus intimes, des plus subjectifs et des plus discriminatoires, qui va « profiler » la personne pour un usage futur que l’on ne maîtrise pas. » [*Profilage :*] [**avec mes remerciements à l’association Coagul*] [**(promotion des logiciels libres)*] On redoute (non sans raison) le fichage institutionnel. Mais généralement on ne se méfie pas suffisamment d’une autre forme de fichage, privé et à visée commerciale, le profilage, qui s’est considérablement développé avec l’essor d’internet. C’est une réflexion que nous devons avoir, en tant que syndicalistes et en tant qu’éducateurs. Il ne s’agit pas d’être paranoïaques ou passéistes, mais d’avoir une utilisation éclairée de certains outils. Pour résumer une certaine philosophie, commençons par une citation de Eric Schmidt (PDG de Google) : « Si vous souhaitez que personne ne soit au courant de certaines choses que vous faites, peut-être que vous ne devriez tout simplement pas les faire », c’est-à-dire le lieu commun que l’on retrouve dans la presse : « si vous craignez le fichage, c’est que vous avez quelque chose à vous reprocher » !! Mettons-nous bien en tête que : Les services web privés ne sont jamais gratuits ; il y a donc une monnaie d’échange : c’est notre vie privée, notre intimité ; besoin de gagner notre confiance, et de faire évoluer la « norme sociale » sur la vie privée ; Finalement, le Big Brother d’Orwell n’est pas une grosse agence gouvernementale, mais une bande de gamins de la Silicon Valley. Notre navigation sur internet permet la mise en relation de données comme : noms et prénoms, localisation, adresses électroniques, contacts, photos, santé (recherche de symptôme), problèmes de la vie courante, prochains voyages ; l’utilisateur n’a pas connaissance de cela. « Montre-moi ce que tu lis / écoutes / signes (pétitions) et je devinerai alors qui tu es ». [*Quelques infos sur Google :*] C’est le leader mondial du ciblage comportemental, il a établi une Base de Données des Intentions des internautes. Il ne gagne pas d’argent avec les recherches, 95 % des revenus sont générés par la publicité ; publicités en lien avec votre région, vos thèmes de recherches ou de navigation récents, etc. Vous êtes d’autant plus pistés que vous êtes identifiés (connectés avec un compte Google, G-mail par exemple). Je me permets en passant de signaler que Google est une marque, qu’il est donc préférable de parler de « faire une recherche avec un moteur » même si c’est plus long à dire, et qu’il existe d’autres moteurs de recherches, notamment Hooseek, qui est un métamoteur (Yahoo et d’autres) : à chaque clic ce sont quelques centimes qui vont aux associations de votre choix. Même si Google peut se montrer plus performant, il peut être utile de varier les moteurs utilisés. [*Profilage : pourquoi est-ce possible ?*] Méconnaissance des dérives et dangers ; effet de groupe ; convivialité virtuelle (« j’ai plein d’amis ») ; progrès technologiques : faciles et tentants, sur l’air de : « il faut vivre avec son temps, c’est comme ça qu’on va toucher les jeunes collègues, etc » ; on intègre de plus en plus (adolescent-e-s en particulier) la société placée sous surveillance constante : caméras de surveillance, profilage, traçage des achats effectués au moyen des cartes magasins, carte d’abonnement « sans contact » ; identification volontaire + cookies… Les conséquences sont lourdes de menaces : transparence totale = aliénation, ma vie m’échappe. ++++ [*Réseaux sociaux :*] Il semble que Facebook a adopté maintenant une politique de contrôle de l’expression en ligne, supprimant des groupes dont l’intitulé ne viole pas la loi, ni la réglementation de Facebook, mais parce qu’ils n’étaient sans doute pas « politiquement corrects » : aux yeux de qui ??? [*Réseaux sociaux et société de surveillance :*] Exemple de Vancouver : émeutes après un match de hockey (15 juin 2011), aussitôt le réseau se fait auxiliaire de police. S’il n’est pas forcément choquant que des auteurs d’agressions violentes (118 blessés) soient ainsi appréhendés, il faut s’alarmer de l’adhésion enthousiaste au rôle potentiel des médias sociaux pour identifier les fauteurs de trouble ; les bornes du journalisme citoyen sont dépassées, les gens entrent dans la « surveillance citoyenne » et la délation. Alexandra Samuel, de l’Université Emily Carr, pense à d’autres façons dont la surveillance a été ou pourrait être utilisée : par le lobby pro-vie postant des photos de femmes se rendant dans des cliniques qui pratiquent l’avortement ; par des informateurs de régimes totalitaires traquant des billets et des tweets critiques envers le gouvernement ; par des patrons qui peuvent scanner Facebook pour voir lequel de leurs employés a été taggué sur des photos de la Gay pride.[…] Les utilisateurs des médias sociaux doivent décider si la surveillance doit faire partie de notre mission et de notre culture en ligne. […] Le but des médias sociaux – ou ce à quoi ils peuvent être destinés, si nous utilisons pleinement leur potentiel – c’est de créer une communauté. Et rien n’érodera plus vite la communauté que de créer une société de surveillance mutuelle. Il faut souligner là un point culturel : un Anglo-saxon n’a pas de problème avec la notion de délation, la surveillance du voisinage est quelque chose d’intégré. Contrairement à la France, où la collaboration durant la Seconde Guerre mondiale avait connoté de façon très péjorative cette pratique. Mais la « surveillance citoyenne » est une des mesures prévues dans la LOPPSI, et déjà expérimentée dans certaines communes… [*Résistons !*] [**Résistance comportementale :*] Donner le moins possible sa véritable identité, ne pas rester connecté sur un site si ce n’est pas nécessaire (par exemple google), on peut aussi continuer à utiliser des logiciels de messagerie qui rapatrient le courrier plutôt que de le consulter et conserver en ligne. ne pas donner d’information du cadre intime, de la vie privée, en étant conscient-e qu’on ne contrôle pas le service auquel on confie ces infos, toujours privilégier le contact direct, c’est ce qu’on appelle devenir un « Internaute » ; [**Résistance technique :*] toujours mettre à jour son ordinateur, bloquer les/certains cookies (options du navigateur) ou penser à les supprimer régulièrement (nettoyage de disque) bloquer les publicitaires. (Adblock plus : extension de Mozilla Firefox) Utiliser des logiciels libres [**La philosophie du libre :*] Les quatre libertés : – la liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages, – la liberté d’étudier le fonctionnement du programme, – la liberté de redistribuer des copies, – la liberté d’améliorer le programme et de publier vos améliorations ; [**La devise :*] liberté : d’usage, égalité : bien commun sans contrôle et sans secret, fraternité : partage, entraide, collaboration. Le logiciel libre : dimension ETHIQUE (que n’a PAS le GRATUIT). Par rapport au profilage : Pas de porte dérobée possible ; pas d’intérêt à en mettre en place, car pas de recherche de profits ; transparence totale ; au service des utilisateurs, pour l’utilisateur et par l’utilisateur. [*Conclusion*] « Si vous êtes prêt à sacrifier un peu de liberté pour vous sentir en sécurité, vous ne méritez ni l’une ni l’autre. » Thomas Jefferson