Sombre anniversaire pour la révolution syrienne qui affronte une terreur d’Etat.
Les réactions internationales ne sont pas à la hauteur.
Rien n’est plus urgent que notre solidarité.
◗ EE : Comment apprécies-tu la situation en Syrie aujourd’hui ?
Gérard Lauton : Je tiens à dire d’entrée de jeu mon admiration pour le combat du peuple syrien, et je me fais l’interprète des militants syriens de Paris pour traduire ici ce dont ils m’ont fait part.
Avec près de 10 000 morts, des dizaines de milliers d’incarcérés et d’exilés, des milliers de blessés, torturés, mutilés, ce massacre est un scandale mondial.
Commencé à la mi-mars 2011 après 40 ans d’une dictature implacable, le soulèvement relève d’une incroyable audace. Les manifestants ont relevé le défi de la non-violence : foules innombrables se donnant la main, chantant et dansant, enfants compris, sans l’ombre d’une arme.
Intolérable pour le clan Al Assad qui a confisqué de longue date une part majeure de l’économie, et qui s’est ménagé des appuis auprès de la Russie (base navale à Tartous et gazoducs), de la Chine, d’Israël (gentleman-agreement avec le clan Al Assad).
D’où la fureur déployée contre ces manifestants pacifiques, et désormais contre leurs habitations, avec un arsenal délirant et des mercenaires payés pour massacrer.
Ayant fait serment de renverser le régime, le mouvement ne s’arrêtera pas en dépit des souffrances indicibles endurées, y compris la confiscation des vivres et médicaments.
◗ EE : Comment la résistance s’organise-t-elle face à la répression ?
G. L. : Ce combat suppose un très haut degré d’entraide au sein de la population et une transmission rapide d’informations – ville à ville, quartier à quartier – sur les menées du pouvoir.
L’entrée en hôpital public expose à être achevé par les agents du régime, il a fallu improviser des salles de soins dans les sous-sols d’immeubles. Le périple insensé des journalistes pour sortir du pays sans trop de casse (sauf pour leurs accompagnateurs syriens) donne une idée des obstacles à franchir et des périls auxquels on est en permanence exposé.
Ceux qui ont déserté de l’armée, refusant de tirer sur la foule, s’organisent pour protéger la population. Le Conseil National Syrien a posé les termes d’une Syrie « démocratique, pluraliste, séculière ».
◗ EE : Que penses tu de l’attitude de la « communauté internationale » ?
G. L. : Étrangement, il a fallu des mois pour que les échos de la terreur d’État soient repris par les medias, qui se sont longtemps bornés à une sobre arithmétique macabre, sans même faire état de réactions des ONG, partis et associations.
Alors que les camarades tunisiens ont déploré « 300 martyrs », et que la révolution tunisienne a motivé de nombreux gros titres, le soulèvement syrien a dû payer un prix astronomique pour défrayer la chronique.
Au Conseil de sécurité, Russie et Chine ont jusqu’ici mis des vetos à des projets de résolution pourtant peu contraignants. L’Union européenne met en œuvre mollement des sanctions contre les tenants du régime, omettant que les comptes en banque ont été mis au nom des conjoints …
La France a tenu un rôle honorable mais trop discret dans ce concert. La Ligue arabe, après avoir fait semblant de ne rien voir, a dû reconnaître les exactions. La Turquie a accueilli les réfugiés. La pression internationale est encore très en deçà des nécessités pour que tombe le régime.
◗ EE : Quel travail de solidarité aujourd’hui, en France ?
G. L. : C’est en venant à la manifestation du 25 juin 2011, du Panthéon à la Sorbonne, que j’ai fait connaissance avec les militants syriens en France et avec les ONG qui dénoncent la terreur d’État et prennent en charge des exilés syriens.
Près de 40 organisations et 600 personnalités ont signé depuis septembre l’Appel Solidarité Syrie[[ http://appelsolidaritesyrie.free.fr ]]. Les manifestations du 15 octobre et du 11 février à Paris ont fait entendre ce combat, suivies par le rassemblement très médiatique du 15 mars sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris et par la manifestation du 17 mars dans le cadre de la Marche des Peuples.
Une pétition mondiale lancée par le réseau Avaaz a recueilli près de 700 000 signatures. Une manifestation mondiale le 17 avril, jour anniversaire de l’indépendance de la Syrie, est en préparation via les réseaux sociaux, consistant à descendre tous dans la rue et à déployer partout, à 19 heures, un tissu blanc pour exiger l’arrêt du massacre en Syrie, l’avènement d’une Syrie libre.
Pour l’honneur et la dignité de tous, impliquons-nous !
Propos recueillis par Laurent Zappi