Quatre questions à Cécile Gondard-Lalane
Porte-parole de l’Union Syndicale Solidaires.
◗ La loi Macron veut développer le travail du dimanche. En quoi cela va-t-il impacter particulièrement les femmes ?
Outre de nombreuses mesures défavorables aux salarié-es (licenciements collectifs, droit du travail, prud’hommes… ), la loi Macron porte en germe la fin du repos dominical dans le commerce et, à terme, dans une multitude de professions connexes (transports, nettoyage, crèches, banques, Poste…).
Or, 56 % des salarié-es travaillant le dimanche sont des femmes . Dans le commerce, elles sont très majoritaires : le caissier est une caissière dans plus de trois quart des cas.
La loi Macron aura donc un impact conséquent sur les femmes et on peut s’étonner que les lunettes genrées promises sur toutes les lois au début du mandat de Hollande ne s’appliquent pas sur celle-ci…
De plus, les inégalités sociales vont encore se cumuler : en Zone Urbaine Sensible, une femme sur cinq, âgée de 15 à 29 ans, travaille de manière régulière le dimanche .
◗ Les partisans de ce projet parlent de volontariat et de compensations. Que leur répondre ?
À la faculté de déroger au repos du dimanche, notamment pour des « zones touristiques », la loi prévoit effectivement des compensations par accords….
Mais l’on sait ce que peuvent donner des accords dérogatoires négociés sous la pression du chantage à l’emploi ! Quant aux « contreparties » pour les salarié-es privé-es du repos dominical, la loi ne fixe pas de minimum !
Et, plus il y aura banalisation de ce type d’horaires, plus les compensations seront réduites, voire remises en cause par les patrons.
Pour le volontariat, c’est comme pour le temps partiel soi-disant « choisi », il s’agit d’un leurre ! Beaucoup des salariées concernées par cette loi (commerce, hôtellerie, nettoyage) connaissent déjà la précarité, les temps partiels et les bas salaires. Comment penser qu’elles seront « libres » de choisir de travailler le dimanche ?
La loi Macron pose le gain financier comme miroir aux alouettes, plutôt que d’imposer des augmentations de salaires dans des secteurs où les revalorisations salariales sont indispensables.
◗ Quelles conséquences le travail dominical a-t-il sur la vie personnelle de ces femmes ?
Cela met en jeu le temps libre, le temps pour soi (qui manque cruellement aux femmes !), la santé, la vie familiale, les relations sociales…
Les femmes vivant seules avec des enfants représentent près d’un quart des ménages dans les ZUS, et sont les plus concernées par ces mesures.
Quand on vit seule avec des enfants, on fait comment pour les faire garder le dimanche ? Quelle solution la loi leur apporte-t-elle ? Quels transports adaptés à ces nouveaux horaires, sachant que le dimanche la fréquence des transports publics est plus faible ?
De même, le temps partiel est l’un des moyens pour les femmes de concilier les contraintes domestiques avec les contraintes professionnelles. Comment en travaillant le dimanche, même en considérant que cela ne signifie pas forcément augmentation du temps du travail, vont-elles faire pour jongler entre ces différentes charges ?
◗ Cette loi risque-t-elle d’avoir d’autres conséquences touchant plus fortement les femmes ?
Le travail « en soirée » est un tour de passe-passe sémantique, qui vise à faire accepter l’idée qu’entre le travail de jour et le travail de nuit, il y a un entre-deux…
Rappelons que le travail de nuit était interdit pour les femmes jusqu’en 2000. Certes, les heures de 21 h à 24 h seront payées double, mais elles ne seront comptabilisées ni dans les heures nécessaires pour entrer dans la catégorie des « travailleurs de nuit », ni dans le nouveau compte pénibilité.
C’est une double peine, d’autant que de nombreuses études scientifiques ont démontré le lien direct du travail de nuit avec des atteintes graves à la santé, notamment pour les femmes une recrudescence des cancers du sein. C’est donc bien autant à la vie personnelle qu’à la santé des salarié-es que l’on s’attaque. ●
Propos recueillis par Cécile Ropiteaux