Les programmes de 2008 ont été l’un des éléments fondamentaux de la mise en œuvre de la politique scolaire libérale et se sont inscrits en rupture avec la dynamique de démocratisation et d’accès aux savoirs produits par la société. La consultation ouverte par le ministère sur de nouveaux programmes est l’occasion pour École Émancipée de réaffirmer son ambition scolaire pour tous et de défendre la culture commune de la maternelle à l’université.
2008, une rupture historique
La réaction des chercheurs a été unanime et les programmes de 2008 ont été dénoncés comme constituant une rupture dans l’histoire de l’éducation en bafouant 30 ans de recherches. On n’apprend pas en allant uniquement du simple vers le complexe. Pourtant, les programmes 2008 sont construits sur un apprentissage systématique des mécanismes : il suffirait de répéter pour apprendre ! La diminution horaire de deux heures par semaine, ajoutée à l’injonction de privilégier les mécanismes, a conduit de fait à limiter le temps consacré à tout ce qui aide à la compréhension du monde. L’école est entrée dans le même temps dans une logique d’externalisation de la difficulté scolaire (les solutions sont après l’école et non plus dans la classe). La logique n’est plus de réintégrer dans le collectif d’apprentissage (la classe et les coopérations qu’elle peut, qu’elle doit créer) les élèves les plus en difficulté. « A chacun selon ses possibilités »… au risque de devoir, ensuite, réorienter les plus fragiles ou développer hors de l’école le marché de l’accompagnement scolaire.
Vivre le savoir comme une aventure humaine
De nombreuses enquêtes réalisées auprès des élèves montrent que, pour beaucoup d’entre eux, apprendre c’est mémoriser quand pour d’autres c’est comprendre ! La différence est de taille et le devenir scolaire en partie conditionné par ces postures.
Comment rendre les contenus à la fois intéressants -voire passionnants- et accessibles ? Pour trop d’élèves et en particulier ceux des classes populaires ils restent des objets formels et extérieurs dont le sens s’arrête à l’obligation scolaire. La juxtaposition et l’accumulation de connaissances et d’informations articulées à des évaluations permanentes maintiennent les élèves dans cette instrumentalisation des savoirs au service d’un bénéfice immédiat (la bonne note) ou différé (le bon métier). L’enjeu est bien de redonner aux savoirs leur sens originel d’outils opératoires témoignant de l’intelligence collective de l’humain pour s’émanciper des fatalités. L’écriture des programmes est l’un des éléments déterminants de cette ambition mais n’est pas le seul : la formation des enseignants, le travail en équipe, l’abandon de la pression évaluative, les pratiques de coopération au sein de la classe sont autant d’éléments qui devront être portés et pris en compte dans la phase d’élaboration des programmes.
Un continuum de la maternelle à l’université
La loi de 1989 avait avancé des évolutions progressistes mais non abouties : instauration des cycles de la maternelle à la seconde, le développement des liaisons maternelle/ CP et CM2/6ème, minoration du redoublement et mise en place de passerelles… La loi Fillon, en instaurant le socle, a rompu avec cette dynamique de démocratisation. L’individualisation des parcours masque mal le renforcement des inégalités sociales et scolaires : simple répétition, diminution inavouée des exigences, dispositifs stigmatisants ou excluants (PPRE, mise en apprentissage précoce…) sont des réponses qui ne répondent pas à notre volonté de faire réussir tous les élèves. Pour cela, nous défendons des parcours et des progressions avec des temporalités différentes, dans un cadre commun, tout en visant l’égalité des résultats des élèves. Des pistes existent : travailler à partir de besoins, développer le recours à des pédagogies différenciées en gardant des objectifs communs, donner plus de temps pour les acquisitions, prévenir les situations de difficulté en cours d’apprentissage et non après, apporter des éléments de culture et d’éducation exigeants, valoriser tous les savoirs et pas seulement ceux du modèle dominant.
Les enseignants sont des agents incontestables pour que l’appropriation des savoirs par tous les élèves soit possible. L’élaboration des programmes doit leur permettre de mettre en évidence leurs exigences en termes de contenus mais aussi de conditions de mise en œuvre. Pour que la consultation sur les programmes ne se limite pas à une annonce de bonnes intentions sans prise en compte des remontées des collègues, nous devons imposer qu’elle se déroule dans des conditions qui permettent à tous les enseignants d’y participer collectivement sur le temps de classe.