Le mot « crise » est abondamment utilisé par tous les commentateurs,
pour qualifier la situation actuelle. Les analystes usent peu ou pas
de celui de « récession » alors qu’une analyse lucide conduit à ce constat : la France et l’Union européenne sont entrées en récession.
La dégradation du marché de l’emploi est continuelle.
Le gouvernement joue la division entre salariés et chômeurs et prépare,
au nom de la lutte contre la crise, des attaques majeures contre les salariés.
La Droite aux abois et la classe dominante refusent de l’avouer. On les comprend ! A quelques semaines de l’élection présidentielle, ce serait reconnaître le fiasco d’une politique qui a entraîné le pays au bord du gouffre. Ce déni de réalité relève d’une véritable cécité politique et d’un camouflage de la réalité.
Prenons les chiffres du chômage. Le pouvoir maquille continuellement les statistiques mensuelles de Pôle emploi pour les présenter sous leur moins mauvais jour, mettant en exergue telle catégorie de demandeurs d’emploi qui aurait augmenté moins que prévu. Cet exercice d’équilibriste à chaque présentation des chiffres du chômage au journal de 20 heures masque de moins en moins l’essentiel : la continuelle dégradation du marché du travail. Cette opération cosmétique, subterfuge médiatique pour tromper l’électorat est déjà en soi un scandale. Mais le gouvernement en tire aussi une politique économique et sociale et des mesures calamiteuses qui reposent sur un diagnostic erroné et des discours catastrophiques. Ainsi la convention tripartite signée entre l’Etat, l’UNEDIC et Pôle emploi impose des restrictions budgétaires au service public de l’emploi, au moment où celui-ci aurait besoin de plus de moyens. Les 1000 CDD octroyés lors du « sommet de crise » de façon théâtrale à Pôle emploi, confronté aujourd’hui à une tension extrême, ne compensent même pas les effectifs perdus. Quant à la proposition sarkozyste d’un référendum sur « l’offre raisonnable d’emploi » , elle est bien sûr une façon de chasser sur les terres du Front National en dressant la France des ouvriers qui se lèvent tôt contre les chômeurs « paresseux » et potentiellement fraudeurs. Au-delà, il s’agit aussi de préparer l’ensemble du salariat français aux restructurations futures, aux baisses de salaires et aux déclassements professionnels à craindre.
Manque de réactivité
du mouvement social
Si l’on comprend aisément le refus de la Droite de parler de récession, on peut s’interroger sur les précautions sémantiques de la Gauche. La peur de « désespérer Billancourt », la crainte de placer les travailleurs français en position uniquement défensive ? Il n’empêche que ce refus de mesurer l’ampleur de la crise qui secoue l’Europe capitaliste conduit le mouvement ouvrier français à une attitude plus que timorée en matière de solidarité internationale. Les manifestations de soutien aux grecs et aux espagnols rencontrent un succès mitigé. Il faut que la très respectable Confédération Européenne des Syndicats sorte de sa torpeur et se décide enfin à critiquer les politiques d’austérités menées à l’unisson par tous les gouvernements européens, pour que se dessine enfin une ébauche de riposte à l’échelle de l’Union. Le cataclysme social qui affecte la Grèce agit comme un spectre : montrant l’avenir possible de tout le continent européen, il semble tétaniser une partie du mouvement ouvrier et au-delà l’ensemble du monde du travail. Pourtant il ne s’agit pas de céder à une politique de vertige au bord du précipice : le rapport de forces n’est pas dégradé au point que la France bascule immédiatement dans une situation à la grecque. Il faut au contraire mobiliser l’ensemble des classes populaires, en montrant que l’internationalisme n’est pas un supplément d’âme pour le syndicalisme français, mais une question vitale. ●
Joseph Romand
SNUTEFI (Pôle emploi)