« Une « bonne école » […] est d’abord nourrie de gens engagés, capables d’identifier l’en- semble des problèmes sociaux et politiques qui font obstacle aux progrès des élèves et de la société, et surtout capables de lutter pour améliorer ces conditions sans lesquelles les efforts pédagogiques finissent pas s’effriter ».
Cette « bonne école », celle à laquelle aspire Véronique Decker, c’est une école populaire et engagée. C’est un lieu dans lequel les pratiques pédagogiques ne suffisent pas et qui nécessite par conséquent l’implication sociale et politique de ces agents. Il s’agit d’une école dans laquelle chacun-e prend conscience que nous ne sommes pas seulement des enseignant-e-s en classe. Chaque acteur-trice de l’éducation : les profs et les parents, l’État et les associations, sans oublier les élèves travaillent pour comprendre pourquoi l’école est en échec et ce qu’il convient de faire pour l’émancipation de toutes et tous.
Après Trop classe ! paru en 2015, Véronique Decker propose, dans cette nouvelle compilation d’anecdotes faussement naïves, un panorama diachronique toujours saisissant de l’enseignement en Seine Saint-Denis. Elle réussit à rendre universelles les situations quotidiennes d’une école de Bobigny qui ne le sont pourtant pas, et cela avec une vive acuité politique. Quand l’auteure nous parle du prétendu défaut des parents face au suivi de leurs enfants, c’est pour mieux dénoncer la précarité généralisée des classes populaires produite par le système économique. Quand elle parle de l’organisation d’une classe de neige c’est pour mieux démontrer qu’il ne s’agit pas de vacances supplémentaires pour fonctionnaires en mal d’air pur, mais bien d’un engagement important non rémunéré en heure supplémentaire. Il s’agit donc toujours pour elle de déconstruire les préjugés et les idées reçues prétendument de bon sens pour mieux rapprocher celles et ceux qui doivent faire réussir l’École.
Ce court livre pourrait parfois apparaître comme un riche bilan de carrière au service des élèves de Bobigny et d’ailleurs, mais c’est aussi une ligne de perspective au pré- sent et à venir pour tous et toutes les enseignant-e-s. Ce texte est à la fois lucide sur les batailles que nous avons perdues et très clair sur celles que nous devons mener et gagner pour retrouver le seul bon chemin selon Véronique Decker : « celui d’une école émancipatrice, dont le résultat ne soit pas la bienveillance mais l’apprentissage de l’action citoyenne dans toutes les dimensions du combat social :
la justice, l’équité, la solidarité entre tous ».
Nicolas Beaujouan